Ils ont moins de 35 ans et seront aux premiers postes du pouvoir demain. Qui sont les jeunes de la #NouvelleGardePolitique ? A l’heure où les partis sont en pleine déliquescence, où la défiance envers les politiques n’a jamais été aussi grande qu’est-ce qui motive cette poignée d’irréductibles à se lancer en politique ? Qu’ils oeuvrent dans les ministères ou sur le terrain, ils feront la France de demain. Quelles sont leurs connexions ? Comptent-ils faire de la politique autrement ? Et surtout, vont-ils en finir une bonne fois pour toute avec la "Com' à la Papa" de leurs aînés ? Jeunes vieux, futurs éléphants ou vrais novateurs, avant tout le monde, découvrez les ministres de demain et leur appréhension de la communication sur le blog "Fais pas com' Papa". NB : je prépare un livre sur le sujet.
Pour ce tout premier portrait, place à Jean-François Martins, adjoint à la Maire de Paris en charge des Sports et du Tourisme.
15h30, à la Mairie de Paris. Jean-François Martins, 32 ans, m'ouvre la porte de son bureau, souriant. Au fond, dos à la fenêtre, son bureau semble rangé. Devant nous, une immense table de réunion se dresse sur ses pieds élancés. Une petite télévision bourdonne, allumée sur une chaîne d'information. Les images tournent en boucle, hypnotiques. Manuel Valls vient de finir sa déclaration, ovationné par un parterre de patrons venus l'écouter de la cadre des Universités d'été du Medef. Le jeune homme s'occupe certes du Sport et du Tourisme, mais pas question d'être déconnecté de l'actualité. Il saisit la télécommande et éteint promptement l'écran. Il s'assied. L'entretien peut débuter.
"Pour aller négocier sous les ors de Matignon, je fraudais le métro"
De son enfance à Grenoble, il ne livra rien. Ou peu. Pudique, il évoque sa mère, assistante de direction, sa famille de "résistants" et son père, dont il dira simplement qu'il était "absent", sans autre mention. "Je n'ai jamais été délégué de classe" révèle-t-il. Cette information capitale m'arrache un sourire. A l'inverse de certains politiques de sa génération, son engagement est né plus tardivement, sur les bancs de l'Université. C'est à la fac de mathématiques de Dijon qu'il a fait ses premières armes. Il s'amuse : "Oui, j'étais un matheux". Mais très vite, son appétence pour la communication l'emporte sur les algorithmes : du deug de maths, il bifurquera vers une licence pro en management de l’économie sociale et solidaire. Le goût pour l'intérêt général, il l'a forgé patiemment à l'aune du syndicalisme étudiant en gravissant tous les échelons. Président de la Fédération des Etudiants de l'université de Dijon (2003-2004), Secrétaire Général de la Fédération des des Associations Générales Etudiantes (FAGE), puis Président de la même organisation en 2004. La FAGE, c'est pas moins de dix bénévoles, 13 salariés, 1500 associations étudiantes réparties sur tout le territoire. Une petite PME. Et surtout un poste stratégique en 2006, lors des manifestations contre le CPE, le Contrat Première Embauche de Dominique de Villepin. Le provincial fraîchement débarqué à Paris rencontre alors les groupes parlementaires aguerris, sous les lambris de l'Assemblée. Il contemple la forêt de micros tendus vers lui sur le perron de Matignon : "Cela m’a formé aux relations presse, il y avait un plan média, un plan de gestion de crise". A la différence de l'UNEF, alors dirigé par Bruno Julliard, la FAGE entend elle, participer aux négociations avec le gouvernement et empêcher le blocage des universités. Les deux hommes s'affrontent par médias interposés. Jean-François Martins écrira même une lettre ouverte au président de l'UNEF, qui occupe aujourd'hui le bureau d'à côté :"Nous ne pouvons, ni toi, ni moi, accepter : violences, intimidations, déni de démocratie... Notre responsabilité est tout autant d'assurer la défense des droits étudiants que de garantir leurs libertés, dont, bien entendu celle d'étudier". "Contrairement à certains, mon engagement a été porté par la volonté de réaliser des choses simples. Il ne s'est pas bâti sur des fondements doctrinaux" m'explique-t-il au cours de l'entretien. Un article du Monde en date de 2006 offre un éclairage à ses propos : "90 % des problèmes qui concernent les étudiants ne sont pas placés sur l'échiquier droite-gauche (...). Notre position sur le CPE est plus pragmatique que politique". De cette époque, il dira qu'elle a été tout à la fois extrêmement formatrice et déstabilisante pour le jeune homme de 23 ans qu'il était. En tout cas, certainement déterminante : "Je ne me sentais pas un imposteur du tout, mais j'ai ressenti une forme d'illégitimité sociale. Pour aller négocier sous les ors de Matignon, je fraudais le métro". "Dans la vie, il n'y a pas de hasard. Que des rendez-vous" aimait à dire Eluard.
"En politique, les plats ne passent pas deux fois"
Fort de son carnet d'adresses et de la surface médiatique acquise à la faveur des cortèges estudiantins, il travaille ensuite pour l'agence de communication Protéïnes de 2008 à 2009, où il occupe différents postes, jusqu'à la direction de clientèle pour MacDonald's France. Son engagement politique date lui de 2007. Il prendra alors sa carte au Modem. Son ascension, il la doit à Marielle de Sarnez, même si les relations se sont pour le moins refroidies. C'est elle qui l'a repéré et intégré dans son équipe de campagne pour la conquête de la Mairie de Paris."En politique, les plats ne repassent pas deux fois" explique-t-il dans un demi sourire. Il saisit sa chance. Charge à lui de rédiger le programme "jeunesse et vie étudiante". Marielle de Sarnez est élue au Conseil de Paris. Il devient conseiller du 14ème arrondissement. L'année 2009 signe la fin de sa carrière en agence. C'est Marielle de Sarnez, toujours et encore, qui lui fait rencontrer François Bayrou. Il basculera alors totalement dans l'univers politique en accédant au poste de Directeur de la Communication du Modem. Un poste tout spécialement créé pour lui. Absente chronique en raison de son mandat en cours au parlement européen, Marielle de Sarnez démissionne, cédant sa place à Jean-François Martins. Il deviendra alors le seul conseiller Modem de la Mairie de Paris en avril 2010 et n'adhère alors à aucun groupe. A l'approche de la présidentielle, il a toujours les faveurs de François Bayrou et s'empare alors du titre de Directeur de la communication du candidat à l'élection présidentielle, en charge du web, de l'image et des relations presse. Les soubresauts liés à son opposition à Marielle de Sarnez n'entament pas son admiration pour son aîné. Lorsqu'il est question de désigner un "mentor", sans hésiter, il répond "François Bayrou, quand même". Avant d'ajouter qu'il respecte l'homme pour "son intégrité, sa probité, son sens des responsabilités et sa lucidité". Visiblement, Jean-François Martins n'est pas aussi dithyrambique à l'égard de Marielle de Sarnez. Il faut dire que son ralliement à Anne Hidalgo, alors que la candidate Modem avait finalement décidé de se rallier à Nathalie Kosciusko-Morizet, a quelque peu échauffé les esprits. Opportuniste comme ses aînés ? Même manière de s'emparer du pouvoir et de le conserver ? Il s'en défend en attaquant celle qui lui a -pourtant- permis d'accéder aux lourdes portes de la rue Lobeau. Lui, reste fidèle à ses convictions en faveur du mariage pour tous et du droit de vote des étrangers non communautaires aux élections locales notamment.
"Il faut avoir un vrai métier, un salaire"
En septembre 2012, l'élection passée, il revient à la communication en devenant Directeur Conseil chez TBWA\Corporate, non sans s'être présenté aux élections législatives. Pas sûr que le spot de campagne reste dans les annales de la com'. Un poste qu'il devra quitter à regret. Incompatible avec son emploi du temps d'adjoint au Maire. "Il faut avoir un vrai métier, un salaire. C'est ce salaire qui permet la vraie indépendance, la liberté de penser en politique" soupire-t-il. Ne pas devenir un politique "hors sol", est-ce véritablement possible pour la jeune génération ? En tout cas, il a mis a profit son expérience de communicant et n'a pas oublié de créer son propre compte Youtube, mettant en ligne ses vidéos. Lorsqu'on lui demande s'il se sent faire partie de la "nouvelle garde politique", Jean-François Martins, qui décrivait il y a seulement deux ans la stratégie de com' mise en place pour son candidat dans les médias, a visiblement réfléchi à la question :"J'ai un peu de difficulté avec ça. Si on prend deux cas. Tout d'abord, celui de Myriam El Khomri, 36 ans [ex-adjointe à la Mairie de Paris et aujourd'hui secrétaire d'Etat, chargée de la Ville]. Elle s'est engagée tardivement au PS, en 2002 je crois. C'est une bosseuse et qui connaît parfaitement ses dossiers. Elle n'est pas le produit d'un appareil. Sa légitimité, c'est son travail ! Si on prend maintenant Geoffroy Didier, c'est un pur produit d'appareil avec son club et ses petites phrases. C'est le pire de la jeune garde ! C'est de la politique à la papa avec de la com' adaptée aux chaînes d'infos en continu ! Il faut bannir toute surexposition médiatique stérile".
"Un jour, on m'a interpellé dans la rue : 'citez-moi un seul problème que les politiques ont résolu !'"
"Un jour, on m'a interpellé dans la rue : 'citez-moi un problème que les politiques ont résolu !' Je suis resté coi; j'ai eu du mal à répondre immédiatement. Ca a forgé ma conviction. Ca nous 'oblige à'. Il faut justement 'faire', 'agir' et 'résoudre' les problèmes. Il y en a toujours de nouveaux. En fait, en réalité, il ne faudrait choisir que deux ou trois sujets sur lesquels s'investir à fond. La lecture et l'écriture par exemple. Mais si on dit ça, on va faire une foule de mécontents. Ca n'est pas audible pour l'opinion". Aveu d'impuissance ? Problème inhérent à l'excès de communication rétorque-t-il. "Aujourd'hui, on surréagit. Les chaînes d'infos, les communiqués envoyés...on tombe dans l'outrance ! Et c'est un communicant qui le dit ! Il faut bosser ses dossiers. Vu l'état de défiance de l'opinion, on n'a pas le droit de se planter. Si on se plante, nous, c'est fini. On est la dernière génération qui peut changer les choses. Il faut être obsédés par l'idée de réussir. Nous devons privilégier le 'faire' sur le 'faire savoir'. Et à ce titre, je crois qu'on est sur la bonne voie avec les promotions obtenues par les jeunes ministres". Sur l'état de déliquescente des institutions sur fond de défiance absolue des citoyens envers les politiques, il temporise. Non, l'opinion croit encore en l'intérêt général. Ce sont dans les politiques qu'ils ne se reconnaissent plus. "Je crois qu'il faut entrer dans l'ère de la 'Big society' [chère à Cameron]. Il faut modifier en profondeur les rapports entre l'Etat et la société civile. Il s'agit de sortir d'une alternative stérile entre l'individu et l'Etat. Jean-Pierre Rioux disait d'ailleurs des centristes qu'ils préféraient 'le contrat au fracas, le rassemblement à l’exclusion, la reconstruction à la table rase'. Les politiques seuls ne peuvent penser les choses. En ce sens, le budget participatif mis en place par la Mairie de Paris va dans le bon sens".
Et la suite ? "Pour l'instant, je suis adjoint jusqu'en 2020". Parions qu'on entendra parler de lui d'ici là.
Anne-Claire Ruel
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