Municipales 2014 : comm'un jour de colère

Marine Le Pen et Steeve Briois en campagne présidentielle pour le Front national à Hénin-Beaumont le 22 avril 2012 (AFP PHOTO / PHILIPPE HUGUEN)

"J'ai fait le tour de mes camarades, c'est une catastrophe pour le PS". Visages graves, airs consternés. Hier tôt dans la soirée, les staffs de la campagne PS se transmettaient leurs premières tendances sous le manteau. Qu’on ne s’y trompe pas, s’ils s’attendaient à de piètres résultats, ils n’imaginaient pas une telle Bérézina. Comme des boxeurs sur un ring, déboussolés, cette gifle cinglante les a sonnés. Chronique d’un échec –pourtant– annoncé.

L’émergence du réel au sein de la politique politicienne

Nathalie Kosciusko-Morizet monte sur scène rayonnante hier soir. Certes, elle le sait; elle ne sera pas élue dimanche prochain. Mais auréolée de son relatif succès, elle jouit désormais d'une certaine légitimité pour en découdre avec ses détracteurs. Celle qu’on annonçait en seconde position au premier tour est en avance dans les urnes. Sa joie était perceptible hier soir. Telle une passionaria, juchée sur la tribune, chevelure flamboyante, elle appelle le « peuple de Paris libre et rebelle » à « l’insurrection démocratique », avant d’être brusquement interrompue par des chômeurs en colère. Irruption du réel au sein de cette campagne. Illustration de la déconnection de l’oligarchie politique avec le peuple, ses aspirations, sa colère et ses réelles difficultés.

Confiscation du pouvoir par une élite au discours formaté

Partout dans vos journaux, vous lirez les résultats : forte poussée du FN, possible vague bleue UMP, claque du PS… Mais la vérité, c’est que la machine est cassée et c’est l’ensemble du système politique qui est aujourd'hui en cours de déliquescence. Qu’on arrête de dire qu’il s’agit d’une simple défiance des Français envers la politique. Non, le mal est profond, structurel. La crise économique n'excuse pas tout. Cela fait vingt ans qu’on entend gronder cette colère.

« Cette offre [politique] elle ne répond pas aux problèmes des Français que sont l’emploi, la fiscalité et d’autres sujets qui viennent derrière qui sont les principaux sujets d’accroche » s’indignait le 7 mars Thomas Houdaille, délégué général de "Nous Citoyens", au micro de "Séguéla is dead", l’émission de décryptage de la communication politique. Avant d’ajouter, « la spécificité française aussi par rapport au reste de l’Europe et en particulier du monde, c’est cette consanguinité de la vie politique, cette professionnalisation à outrance ». La privatisation du pouvoir par quelques élites, totalement déconnectées des réalités, sur fond d’affaires « DSK », « Cahuzac » et aujourd’hui « Sarkozy », a conduit inexorablement au pire, la montée de l’extrême droite, qui ne date pas d'hier. Dans ce contexte, le Rassemblement Bleu Marine, PME familiale, héritage du passé, parvient à donner l'impression de nouveauté. Vaste écran de fumée.

Politiques « ancien logiciel » versus politiques « nouveau logiciel »

Nous sommes véritablement à une charnière entre politiques « ancien logiciel » et  politiques « nouveau logiciel ». Les Français appellent de leurs vœux un vent d'air frais, un souffle nouveau, quitte à dynamiter le système et inverser les logiques qui prévalaient jusqu'alors. C’est ce qui permet sans doute à des jeunes, voire de très jeunes politiques, tel que Robin Reda (UMP), de créer la surprise en l'emportant dès le 1er tour à Juvisy face au maire sortant (PRG). Un tour de force à 22 ans : s'il est étudiant à Sciences Po, ses électeurs ont peut-être perçu qu'il n'avait pas le discours millimétré, la langue de bois et les éléments de langage calibrés de ses aînés, en poste depuis des années.

Qu’on arrête d’évoquer les « erreurs de communication » du gouvernement ou bien encore son manque de « pédagogie ». La politique doit toujours primer sur la communication, jamais l'inverse. C'est précisément un cap, une vision qu’attendent les Français capables depuis des années de décrypter les enjeux médiatiques. Qu’on cesse de ne s’intéresser qu’aux règlements de comptes et autres guerres fratricides, pour restaurer le lien de confiance rompu entre gouvernants et gouvernés. Aujourd’hui encore, vous lirez que Valls s’est bien gardé d’être le visage de la défaite en désertant les plateaux télés. Aujourd'hui, plus que jamais, on vous dira que désormais s'ouvre une « séquence Juppé ». Mais qui s'armera de courage pour rompre avec cette « com' à la Papa » d'opérette, prendre de la hauteur et redonner enfin du sens à la notion fondamentale d’intérêt général et de bien public ?

Nous tous certainement.

Découvrez l’intégralité de l'émission "SEGUELA IS DEAD" avec Thomas Houdaille de « Nous Citoyens » enregistrée le 7 mars : ICI

Anne-Claire Ruel

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Pour « Séguéla is DEAD », l’émission de décryptage de la communication politique, animée par Gaëlle Copienne, avec Anne-Claire Ruel, Jean-Philippe Daniel et Antoine Dubuquoy, le voici : #SID. Nous avons une page Facebook aussi : Séguéla is DEAD