L'article qui suit reproduit des entretiens menés par le journaliste Mouhammad Al-Hamwi et publiés dans leur version audio sur le site de Radio Rozana le 11 décembre 2015. Dans les environs de la ville syrienne de Hama, le journaliste a rencontré des habitants qui ont dû s'entraider pour créer un abri permanent leur permettant de se protéger, et de protéger les populations les plus vulnérables surtout. Ainsi, une forme d'habitat très ancien, mais tout nouveau pour les habitants, est née dans cette ville.
En raison de la fréquence de plus en plus importante des frappes sur leur région, les habitants des environs du nord de Hama ont opté pour des moyens plus efficaces pour se protéger contre les frappes du régime syrien et de l’aviation russe. Abou Ahmad, l’un des habitants des environs de Hama, explique à Rozana comment les habitants se sont installés dans des grottes souterraines.
« Et bien, mon frère, on a creusé cette cave à cause des frappes quotidiennes que ce soit de la part de l’aviation militaire ou des hélicoptères, et à cause des barils explosifs que le régime nous jette dessus. On a été obligés de creuser des tunnels et des grottes, des sortes de cavernes si tu veux, pour protéger les enfants des environs et pour protéger les femmes du village. C’est surtout pour les enfants et les femmes que nous avions le plus peur, peur qu’ils ne soient touchés par les frappes de l’aviation et des hélicoptères. Personne et aucun membre de la communauté internationale n’a pensé à nous, par exemple en imposant un blocus aérien, une zone d’exclusion aérienne. On a donc dû creuser des cavernes souterraines pour nous y installer au lieu de rester dans nos maisons. On a laissé tomber nos gagne-pain et nos logements et on est descendus vivre dans des caves. »
Abou Ahmad ajoute que pour creuser une petite caverne, cela revenait très cher dans les conditions de vie difficiles que traverse le pays.
« Bien-sûr, mon frère, creuser une petite "cave" est devenu très coûteux avec la hausse des prix. Le coût nécessaire pour creuser une seule cave s’élève à peu près à 75.000 lires syriens. Par contre, il n’existe aucun revenu pour les familles ni pour les habitants présents. On a été obligés de les creuser à la main ces petites grottes souterraines. Et en économisant ces frais, on a pu garantir de quoi nourrir les petits et de quoi fournir les besoins quotidiens, aux enfants et aux femmes. Et c’est comme ça qu’on a pu survivre ici. »
Abou Omar, l’une des personnes qui ont participé à creuser, explique que l’un des facteurs qui alourdissent la tâche de ceux qui travaillent dans ce contexte est la coupure du courant électrique ce qui constitue une charge supplémentaire et prolonge le temps nécessaire au travail.
« Ca fait plus de deux ans que je travaille dans ce domaine et que je creuse des caves. Nous sommes toujours confrontés à des problèmes et des difficultés qui nous rendent la tâche plus compliquée. Essentiellement, parce que nous creusons dans un terrain rocheux. Notre plus grand problème ici, c’est la coupure du courant électrique de manière continue et pour de longues heures. Et donc, nous nous trouvons obligés de travailler avec des outils traditionnels destinés à l’usage manuel, comme le marteau et le burin. Ca se répercute clairement sur la rapidité avec laquelle nous travaillons et sur l’effort plus important que nous devons fournir. »
Selon Aou Omar, la plupart des régions des environs de Hama, au nord, se sont trouvées de nouveau propulsées dans l’âge de pierre en raison du siège imposé par les forces du régime et à cause des frappes continues. En effet, les gens ont réintégré des caves comme modes d’habitat et la cuisine se fait à même le feu.
« Je t’assure, mon frère, que la plupart des régions du nord de Hama se retrouvent de nouveau à l’âge de pierre à cause des coûts de vie très élevés, du siège qui nous est imposé par les forces du régime et des frappes que nous subissons au quotidien de la part de l’aviation, de l’artillerie et de toutes sortes d’armes dont dispose l’armée. Et où loge-t-on maintenant ? Dans les caves, sous la terre ! Et la cuisine, c’est à même le feu qu’on doit la faire à présent. Et pourquoi ? A cause des prix du gaz et des combustibles, et en raison de leur rareté ! Et si tu les trouves, tu les payes très cher ! Nous voilà donc de nouveau en plein âge de pierre, dans tous les sens du terme ! »
Ceci étant dit, la dégradation des conditions de vie humaine et la poursuite des frappes de la part du régime sur la plupart des régions dans les environs de Hama, n’ont cependant pas empêché les gens de rechercher tout moyen efficace pour les protéger.
Lancée en 2013, Radio Rozana est diffusée à partir de Paris et de la ville de Gaziantep proche de la frontière syrienne (en Turquie). Cette radio est apolitique et areligieuse, et s’efforce de représenter une variété d’opinions, de sensibilités et de communautés en Syrie. Elle est diffusée à l’intérieur de la Syrie sur les ondes FM et sur internet. Hors de Syrie, cette radio est accessible sur internet