L'article qui suit a été publié par l'hebdomadaire Souriatna le 9 août 2015. A travers une enquête sur le terrain, dans cette ville contrôlée par l'opposition et soumise en permanence aux raids du régime, l'auteur met l'accent sur le manque d'équipements et de ressources nécessaires pour garantir le bon fonctionnement des services, malgré les efforts du Conseil local révolutionnaire et de la société civile.
Immédiatement après que l’opposition a pris le contrôle de larges parties de la ville d’Alep et de ses environs, un groupe de diplômés d’universités et de directeurs d’institutions civiles ont uni leurs efforts dans le cadre d'institutions révolutionnaires afin de prendre en charge la fourniture de services aux civils. Ils ont pris la direction des municipalités et des comités qui, sous le régime, géraient la vie des citoyens. Rapidement, le Conseil de transition de la ville d’Alep a pris en charge la gestion locale, et début mars 2013, a été annoncée la formation du Conseil local de la ville.
Afin d’assurer la gestion de la ville et des services, le Conseil a créé divers comités consacrés au génie civil, aux finances, à l'éducation, à la santé, à l'aide humanitaire et à la gestion locale. Il a ensuite sélectionné des personnes compétentes parmi les diplômés d’université et ceux ayant par le passé travaillé dans la fonction publique sous le régime. C’est grâce à eux qu’a été constitué ce corps civil.
Au vu de l’étendue des zones libérées dans la ville, et le Conseil ne pouvant à lui seul gérer tous les aspects de la vie de manière centralisée, trois secteurs ont été créés: al Ansari, la vieille ville d’Alep ainsi que Qasr al Bustan.
D'innombrables obstacles
Le secteur de Qasr al Bustan regroupe les premières institutions de services créées dans une zone libérée du contrôle du régime. C’est l’exemple sur lequel s’est formé le Conseil local d’Alep. Néanmoins, cette expérience n’a pas été d’une grande utilité face au dénuement actuel dans lequel vit le secteur, qui manque cruellement d’équipements. Ses responsables tentent d’y pallier en redoublant d’efforts pour satisfaire les besoins des civils vivant dans ces zones.
Abu Ammar, responsable du secteur de Qasr al Bustan, expliquait, lors d'un entretien accordé à Souriatna, l’histoire complexe du secteur et les problèmes rencontrés depuis sa mise en place. "Dans les semaines ayant suivi l’entrée des révolutionnaires dans la ville, nous avons créé un centre de services, après une réunion entre des activistes révolutionnaires et des personnes compétentes ayant travaillé auparavant dans la fonction publique. Par la suite, ce centre a été intégré au Conseil local. On peut dire que tout problème quel qu’il soit, passe par le Conseil local. Notre secteur est celui qui souffre le plus, car il n’y a pas de sources de revenus: nous ne recevons aucune aide. Cela se reflète tout particulièrement au niveau des salaires. Nous ne savons pas quoi dire aux employés qui nous demandent des explications. Ceci ne nous a pas empêché de fournir des services aux quartiers que nous essayons de couvrir, malgré l’absence d’équipements dans ce secteur depuis longtemps". Il ajoute: "Nous ne fournissons que les services de base, tels que la propreté, les eaux usées, la maintenance du réseau d’électricité. Mais récemment, nous avons demandé au Conseil de creuser des puits dans le quartier après que l’eau a été coupée pendant de longues périodes".
Activités du secteur pour la fourniture de services
Par le passé, le secteur de la vieille ville était celui souffrant le plus du manque d’équipements au vu de son étendue géographique. A cela s’ajoute la crise financière qu’a connue le Conseil local au début de l’année et qui a eu de graves conséquences pour le secteur.
Souriatna est allé à la rencontre du directeur du secteur de la vieille ville, Ali Mourawah, qui nous a expliqué les conséquences de la crise financière et s'est exprimé sur les projets que le secteur essaie de mener à bien dans les quartiers où il opère. "Cette crise a eu des répercussions négatives sur la vie des employés, qui ont du vendre une partie de leurs biens pour payer leurs dettes, causées par l’absence de salaires pendant six mois. Ils ont organisé des manifestations et des mouvements de protestation, à la suite desquels des organisations et des associations nous sont venues en aide pour payer les salaires de nos employés. Cela nous a permis de reprendre notre souffle en quelque sorte, de reprendre un nouvel élan pour poursuivre le travail, même si ce n’est que temporaire".
Unir les efforts des institutions révolutionnaires
Le secteur Ansari est l'un des secteurs dépendants du Conseil ayant le mieux renforcé leurs liens avec les conseils de quartiers dans lesquels ils opèrent, afin de faciliter leur travail et de mieux fournir des services dans ces quartiers.
Ansari est le plus grand secteur du Conseil local, regroupant 11 quartiers. Il s’appuie sur les conseils révolutionnaires présents dans ces quartiers, et supervise leur travail. Etant donné le manque d’équipements nécessaires, il est souvent obligé de s'appuyer également sur des mécanismes administratifs mis en place par les factions armées. Cette initiative a été favorablement accueillie par les différentes institutions, dans l'absence d'une alternative.
Samir Qurbi, directeur du secteur Ansari, s’est exprimé sur ce qui avait été accompli et les services fournis aux civils malgré l’absence de moyens et la crise financière précitée. "Le secteur Ansari évacue chaque semaine près de 800 tonnes de déchets vers les décharges se trouvant sur les lignes de front avec le régime, dans le quartier al Inzarat, et la décharge de Krum Al Bari. Nous réparons aussi les réseaux d’eau usées publics et privés qui sont bombardés. Nous surveillons le réseau d’électricité et réparons les transformateurs et les câbles principaux".
Souriatna est l'un des premiers hebdomadaires électroniques en Syrie. Créé en septembre 2011, ce projet collectif et totalement bénévole est né de l'urgence de créer des médias syriens alternatifs et indépendants afin de refléter le changement tant attendu depuis le début du soulèvement en mars de la même année. Souriatna est aujourd'hui dirigé et publié par un groupe de jeunes de Damas.