"Les marques de brûlures sur le corps de Kawthar restent indélébiles et, depuis ce jour, elle dort sans pouvoir baisser les paupières"
L'article qui suit a été publié par l'agence de presse ANA le 17 août 2015. Son auteur, Fourat al Chami (probablement un pseudonyme) est allé à la rencontre de deux enfants syriens originaires d'Idleb, dont les visages ont subi de graves brûlures dues aux barils explosifs lancés par les avions du régime syrien.
Les barils de la mort qui tombent chaque jour par dizaines sur les maisons des Syriens ne font pas que détruire et tuer. Les effets de leur explosion dépassent ces deux formes de violence et de souffrance. Brûlées par les barils, les victimes peuvent un jour se débarrasser de leur douleur. Mais la déformation de parties de leurs corps les accompagnera toujours, où qu’elles aillent, surtout si la déformation mène à un handicap au niveau de leurs mouvements ou de leurs fonctions vitales. Sans oublier les effets psychiques dévastateurs qui marquent à vie ces victimes, notamment les enfants.
Mohamed Al Haj Ahmed est un enfant d’Idleb qui ne peut plus jouer au soleil de peur de fondre. Un baril est tombé sur la maison de sa famille et a déformé son beau visage d’enfant. Depuis, il ne peut plus bouger les lèvres pour sourire quand il est heureux. Mohamed a subi une intervention basique en chirurgie esthétique, mais il lui faudrait en subir encore des dizaines pour pouvoir à nouveau sourire à ses pairs. Aujourd’hui, il vit à Antioche, en Turquie, avec sa famille qui l’a accompagné dans sa fuite d’une mort certaine, espérant poursuivre son long périple avec le traitement.
Le jeune Mohamed n’est pas le seul dont le visage ait perdu son innocence par l’effet d’un baril de la mort. La tragédie que vit la petite Kawthar est tout aussi marquante : cela fait des mois qu’elle ne peut fermer les yeux et qu’elle dort donc les yeux ouverts.
Kawthar Simaq a aujourd’hui un an et trois mois. Elle était auprès de sa mère lorsqu’un baril est tombé près de leur maison, faisant exploser la bombe à gaz du domicile et brûlant la mère de Kawthar et la petite qui n’avait alors que trois mois. Toutes deux passèrent vingt jours en soins intensifs jusqu’à ce qu’elles commencent à se rétablir. Or, les marques de brûlures sur le corps de Kawthar restent indélébiles et, depuis ce jour, elle dort sans pouvoir baisser les paupières et a beaucoup de mal à dormir.
Revenons brièvement sur ce que contiennent ces barils de la mort. Composés de cylindres métalliques, il s’agit souvent de bombes à gaz ou de contenants en métal qui sont recyclés et conçus spécifiquement pour tuer.
La hauteur du baril atteint un mètre et demi voire plus, avec un diamètre de 25 à 50 cm, et l’épaisseur de la surface extérieure est d’un centimètre. Le poids du baril varie entre 200 et 300 kg mais peut aussi atteindre les 500 kg. Ces barils sont remplis de matières explosives ou inflammables, interdites par la loi : engrais et poudre d’aluminium (pour augmenter le degré d’inflammabilité), boules de fer et morceaux métalliques, matières chimiques et gaz toxiques.
Enfin, il n’a pas été possible de photographier Mohamed et de Kawthar, comme beaucoup d’autres enfants syriens et il est donc difficile de s’imaginer ce qui a pu arriver à leurs visages après l’explosion des barils de la mort… Ces barils qui ne font pas la différence entre grand et petit et qui laissent derrière eux des âmes détruites, plus profondément touchées que la pierre gravée.
La radio et agence de presse ANA a été créée au début de 2012 et vise à renforcer une plate-forme libre des acteurs des médias syriens d'aujourd'hui. Son contenu dépend fortement des journalistes citoyens du terrain qui ont prouvé leur capacité à devenir une source principale pour les agences de presse.