La Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI) devient la Direction Générale de la Sécurité Intérieure (DGSI). C'est ce que vient d'annoncer le ministre de l'intérieur, Manuel Valls, au cours d'une grand messe place Beauvau devant tous les grands manitous du renseignement réunis pour l'occasion. Vous noterez la similitude de ce sigle avec celui de la DGSE (Direction Générale de la Sécurité Extérieure) qui dépend, elle, du ministère de la Défense. Dans les faits, cette nouvelle direction ne dépendra plus du directeur de la police nationale, mais directement du ministre de l'Intérieur, la plaçant dans son fonctionnement au même plan que la DGSE.
Autre point phare de ces nouvelles "orientations", l'annonce de 400 nouvelles recrues sur 5 ans. 60% d'entre elles devront venir de la société civile: analystes, surdoués d'internet, polyglottes, experts aux profil universitaire. Bref des personnels, non policiers, capables de comprendre et d'anticiper les évolutions technologiques, politiques et culturelles du monde et d'apporter leur savoir-faire pointu. Pour le ministre Manuel Valls c'est l'adaptation du Renseignement intérieur aux nouvelles menaces, tant terroristes, qu'en matière de guerre économique. Une montée en puissance de la cyber-défense. Quatre-vingt devront être embauchés dès 2014.
Du côté de la SDIG (Sous-direction de l'information générale) et de ses implantations départementales (environ 600 policiers), pas de révolution non plus. L'information générale se transforme en Renseignement Territorial. Ce qui n'est pas plus mal car le sigle "Information Générale" n'a jamais fonctionné. Au-delà du nom, rien ne bouge vraiment en dehors des réformes déjà lancées après l'affaire Mohamed Merah. Les bureaux de liaison, créés il y a un an pour assurer une meilleure fluidité de l'information entre la maison mère et ses implantations locales (pour éviter la dispersion des renseignements et l'incapacité à dépister un profil terroriste à la Mohamed Merah), sont confortés dans leur mission. Audits et inspections des services se poursuivent, mais aucun moyen ne sont prévus en plus, comme le recommandaient certains syndicats de police.
Pour un fin connaisseur du renseignement qui souhaite garder l'anonymat, ces nouvelles orientations vont dans le bon sens car finalement elles ne bouleversent rien : "Ceux qui préconisaient une révolution de l'institution n'y verront qu'une modification d'un nom sur le papier à entête". Néanmoins, il voit un risque à couper le lien hiérarchique avec le directeur de la police nationale : "on installe plus encore les hommes du renseignement dans une posture de seigneurs dans leur tour d'ivoire! Les informations qui circulaient entre les directions, avec la police judiciaire en particulier, passeront beaucoup plus difficilement si cette nouvelle direction ne dépend plus que du ministre. Du coup cela va à l'encontre de l'objectif visé!"
Le ministre de l’Intérieur n'a pas fait le choix de changer fondamentalement le fonctionnement de son service de renseignement. Les options prises montrent qu'il manie le pragmatisme, et ne rejette pas la machine telle que l'a conçue la droite au pouvoir. Manuel Valls l'explique lui même: sa vision du renseignement et des réformes à apporter à l'institution, ont évolué depuis son arrivée place Beauvau. La lame de fond viendra peut-être en revanche de l'Elysée qui planche sur un moyen de parvenir à un contrôle parlementaire de l'institution comme cela existe déjà dans la plupart des pays anglo-saxons. Aussi, rendez vous en 2015 au Parlement avec un projet de loi sur l'encadrement du renseignement et de l'information.