Trois juges bordelais instruisent le dossier Bettencourt : Jean-Michel Gentil, Valérie Noël et Cécile Ramonatxo. Des magistrats discrets qui se cachent même des photographes. Pour la première fois, l’un d’eux, Valérie Noël, a accepté de sortir du silence et de réagir, après la publication d'informations sur le juge Gentil dans Le Parisien (article payant) du jeudi 29 mai. Le juge, qui instruit la mise en examen de Nicolas Sarkozy pour "abus de faiblesse" sur l'héritière de L'Oréal Liliane Bettencourt, serait un ami de l'un des experts, Sophie Gromb.
On accuse votre collègue Jean Michel Gentil d’avoir des liens avec l’un des médecins convoqués au titre d'expert dans le dossier. Une proximité qui pourrait faire basculer l’affaire…
Valérie Noël : Je suis très sereine. Ce n’est pas le juge Gentil qui a nommé Sophie Gromb comme experte, mais nous trois. Rien ne se décide sans que nous en discutions. Vous savez, il n’y a pas d’un côté le juge Gentil et de l’autre ses deux potiches ! Cécile Ramonatxo et moi-même sommes, au même titre que Jean-Michel, décisionnaires des options prises. Le choix de l’experte médicale fait partie de ces discussions collégiales que nous avons sur chaque point de l’instruction.
Mais vous avait-il dit qu’il la connaissait ?
Non, en effet. Mais cela n’aurait eu de toutes façons aucune influence sur la nomination de Sophie Gromb car elle allait de soi. Cette médecin est, à Bordeaux, une experte qui fait référence ! Il était légitime que nous pensions à elle !
Vous dites que votre décision était collégiale, mais pourtant vous n’avez pas assisté à l’expertise médicale de Liliane Bettencourt…
En effet pas à celle-ci, car nous nous répartissons le travail. Mais que je sache, ils n’y sont pas allés que tous les deux, il y avait à leur côté quatre autres experts que nous avions ensemble désignés.
Craigniez-vous que Maître Herzog, l’avocat de Nicolas Sarkozy, obtienne l’annulation de cette expertise qui est une pièce maîtresse du dossier ?
Je ne crains aucunement l’annulation de notre expertise, on tombe une fois de plus dans le domaine de la déstabilisation. Ce n’est pas sérieux ! Nous nageons en plein délire ! Une proximité entre Jean-Michel Gentil et Sophie Gromb ne pose aucun problème déontologique...
A ceux qui vous reprochent une partialité à l’encontre de Nicolas Sarkozy ? Que répondez-vous ?
Cette accusation me consterne. Ici personne n’a envie de se payer Nicolas Sarkozy, c’est absurde. Lorsque nous avons été nommés, on a dit que nous étions des juges de droite, voire d’extrême droite et que nous ferions tout pour enterrer le dossier. Aujourd’hui, certains en sont à comparer Jean-Michel Gentil à Jean -Luc Mélenchon ! Vous voyez : ces élucubrations prouvent bien que nos opinions politiques ne transpirent pas.
Depuis le début de l’instruction nous tenons notre ligne. Si des avocats, des politiques ou des journalistes pensent que nous nous trompons ou que nous sommes partiaux, libre à eux : il y aura la Cour pour trancher.
Comment vivez-vous ces attaques ?
Tous les trois sommes sereins, même Jean-Michel qui pourtant est très exposé. Mais dans le fond, en débutant cette instruction, je ne m’attendais pas à autre chose. C’est le jeu normal. Je sais que l’on va être dans le collimateur jusqu’au bout. Ce dossier est passionnant à instruire mais vous savez, nous, quand tout sera terminé, nous retournerons à nos dossiers plus ordinaires et tout aussi intéressants. La vie de magistrat quoi…