Avec l'arrestation, il y a 24 heures, de deux proches de la famille Merah se pose une fois de plus les mêmes questions: Mohamed Merah était-il "un loup solitaire" comme l'a affirmé l'ancien ministre de l’Intérieur Claude Guéant? A t’il agit seul ou accompagné ? Et si ce fut le cas, jusqu’à quel point et comment ? Hier Manuel Valls a affirmé devant un parterre international lors d’une conférence à Bruxelles que cette « fameuse thèse du loup solitaire ne (tenait) pas pour Merah». «L'action de Mohamed Merah, a-t-il souligné, a été le résultat d'une préparation minutieuse, d'un véritable processus d'apprentissage fait de contacts nombreux». CQFD : Quelques heures avant son discours, deux hommes, des « relations » de Merah, comme on dit en jargon judiciaire, étaient arrêtés dans la banlieue de Toulouse. Des arrestations opportunes puisqu’elles étayent la théorie du ministre de l’Intérieur et sont intervenues à la veille d’une rencontre organisée place Beauvau avec les familles des sept victimes du terroriste.
Pour autant, si la date de ces interpellations tombent à pic, elles ne sont pas inutiles. Les deux hommes de 29 et 30 ans ont des profils d’islamistes radicaux. Ils seraient des fréquentations religieuses et amicales de Mohamed Merah et de son frère actuellement en détention.
Leur interpellation fait suite à celle en décembre d’un autre camarade des Merah, un gitan, qui a finalement été relâché au bout de 4 jours de garde à vue à la DCRI. D’autres arrestations de ce type devraient encore avoir lieux car les policiers n’en n’ont pas fini avec le profil de leur tueur terroriste.
Complices ? Jusqu'où ?
La thèse des enquêteurs a été résumée hier à Bruxelles par le ministre : « Merah est seul mais pas isolé. Ce n’est pas la même chose. Il y a un environnement, qui peut être celui de la famille, du quartier, de la prison. Des contacts qui ont été les siens, en France ou à l’étranger, qui ont forgé ce processus de radicalisation qui l’a amené à tuer ».
Une thèse que soutient aussi Abdelghani, l'aîné de la famille Merah. Dans son livre «Mon frère, ce terroriste» (Éditions Calmann-Lévy) écrit avec le journaliste Mohamed Sifaoui, il raconte la lente dérive de sa famille et la responsabilité de cette dernière dans l’endoctrinement progressif du jeune Mohamed.
Un entourage toxique
Un entourage toxique, certes, mais jusqu’à quel point ses proches étaient-il au courant de ses desseins meurtriers ? On le constate sur les sites internet radicaux, il y a un fossé (heureusement!) entre la violence des propos tenus sur les forums et un passage à l’action. Cela a été constaté, lorsque Mohamed Merah a assassiné les petits élèves de l’école juive, les principaux sites salafistes, qui prônent un islam très à l’ancienne et fin de l’Etat d’Israël, n’ont pas crié victoire.
En l’état actuel de l’enquête, les policiers ont la conviction que Merah a baigné dans un environnement sectaire, que ce jeune homme psychologiquement perturbé, à l’horizon morne, s’est vécu comme un combattant de l’Islam et qu’ il y a été encouragé. Comme de nombreux jeunes français qui rêvent de se transformer en croisés djihadistes dans les zones de combats.
Relation avec une entreprise terroriste
Selon la loi française, ceux qui l’ont accompagné dans cet endoctrinement, dont son frère ainé, sont passibles de poursuites pour « relations avec une entreprise terroriste ». Mais pour autant que savaient-ils concrètement de ses projets meurtriers ? Ont-ils su au premier meurtre d’un soldat d’une balle dans la tête, que leur copain ou frère Mohamed en était l’auteur ? Lors de son long dialogue avec les policiers peu avant l’assaut qui a abouti à sa mort, le terroriste a assuré avoir toujours agi seul. Etait-ce vrai ? Etait ce pour briller? Ou pour protéger des complices?
Certains s’interrogent sur le financement de l’opération, mais les enquêteurs semblent convaincus que Mohamed Merah, délinquant notoire, a pu se débrouiller seul pour trouver de l’argent sale sans avoir à se dévoiler.
La responsabilité du frère
Pour le moment, policiers et magistrat ne gardent sous les verrous qu’un seul homme : Abdelkader Merah, l’autre frère. Celui que Mohamed a toujours suivi en tout et qui a été le premier de la famille à adhérer aux thèses salafistes. Les enquêteurs de la DCRI pensent que si le tueur a eu un complice dans l’exécution de son projet, c’est lui ! Mais là encore, sa responsabilité directe n’est à l’heure actuelle pas démontrée.