Les policiers ont un suspect sérieux pour le triple meurtre commis dans la nuit du 9 au 10 janvier. Il est soupçonné d'être responsable de la mort de trois militantes du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), tuées chacune d'une balle dans la tête. Toutes trois étaient des figures de cette organisation qui milite pour l'autonomie du Kurdistan en Turquie. Leurs corps ont été découverts peu avant 2 heures du matin, dans les locaux du centre d'information du Kurdistan à Paris. Une affaire hautement sensible car elle est intervenue au lendemain d'un accord entre les autorités turques et le chef emprisonné du PKK, Abdullah Öcalan, sur le principe d'un arrêt des hostilités. Un drame susceptible de relancer une crise qui dure depuis 1984.
La vidéosurveillance contredit les déclarations du suspect
Omar G., 31 ans, est censé être le dernier à les avoir vues vivantes. Selon les enquêteurs, il faisait office "d’homme à tout faire" au sein de l’association parisienne et, en tant que militant, il a participé à toutes les grandes manifestations interdites de ces dernières années (le PKK est considéré comme un mouvement terroriste par l’Union européenne). Il a notamment été repéré en mars dernier quand, avec d’autres militants kurdes, il avait envahi le deuxième étage de la tour Eiffel et brandi une pancarte "Liberté pour Öcalan".
Dans un premier temps, le suspect a assuré qu’il s’était contenté de conduire Sakine Kanziz, l'une des fondatrices du PKK, au siège de l’association parisienne, mais qu’il en était immédiatement reparti. Problème : les policiers ont découvert que c’était faux. Des images des caméras de surveillance ont montré qu’au moment du meurtre, il était retourné dans les locaux de l’association puis en était reparti près d’une heure après. De plus, les analyses de laboratoire ont révélé qu’il y avait des traces de poudre sur la veste qu’il portait le jour de la triple exécution des militantes.
Pendant son audition par les enquêteurs de la Brigade criminelle, Omar G. a reconnu qu’il avait triché sur son emploi du temps, qu’il était effectivement repassé à l’association, mais il nie en bloc être l’auteur des meurtres. Au bout de quatre jours de garde à vue, il vient d’être déféré au parquet de Paris pour être présenté à un juge cet après-midi.
La police privilégie la piste personnelle
Les policiers penchent pour une piste plus ou moins personnelle, une piste interne au mouvement, plutôt qu’un règlement de comptes politique à l’encontre du PKK. Pour appuyer leur thèse, les enquêteurs mettent en avant les mensonges du suspect et l’utilisation d’un 7.65, une arme ancienne, incongrue pour une exécution bien préparée. Sa proximité de longue date avec les responsables de l'association, dont l’une des victimes, semble contredire la thèse d’une action politique destinée à saborder les négociations de paix entre la Turquie et le PKK. Frustration et fragilité psychologique pourraient finalement, selon les enquêteurs, être les réels mobiles de ces meurtres.