Une exposition du Musée de Grande Guerre du Pays de Meaux
http://www.museedelagrandeguerre.eu/mon_violon_m_a_sauve_la_vie
Imaginez Renaud Capuçon mobilisé pour une guerre totale (On ne lui souhaite pas, bien entendu !)
Lucien Durosoir était le Capuçon de son temps. Un de premiers interprètes-stars au sens où on l'entend aujourd'hui, à parcourir l'Europe en tous sens, à jouer sur les plus belles scènes, et non plus seulement pour les têtes couronnées ; une vedette du violon, aussi populaire que pouvait l'être la grande musique au début du XXème siècle.
Mobilisé, Durosoir se bat les armes à la main Sa correspondance est celle de nombreux poilus : description apocalyptique à peine euphémisées par la peur de faire peur puis par l'habitude . Le danger est omniprésent sur le front autant que le besoin de réconforter les copains à l'arrière. Lucien Durosoir a ce pouvoir, il le sait. Il parvient à dénicher un violon, et joue !
C'est alors une autre histoire que sa correspondance raconte. Un certain colonel Valzi, mélomane, l'entend jouer puis le reconnaît. Il le charge de rassembler des musiciens. Durosoir s'attelle à la tâche, puise dans d'autres régiments, et fait bonne pêche : il recrute entre autres une future star, Maurice Maréchal, qui remplace un violoncelliste perclus de rhumatismes.
Pour le préserver autant que le rendre disponible, Valzi le fait brancardier. "Mon violon m'a sauvé la vie" écrira-t-il, bien que sa nouvelle affectation ne fut pas sans risques. Le colonel, lui, bénéficie des concerts privés de cet ensemble à cordes, épaulé le plus souvent par un piano. Mais bientôt le général Mangin, lui aussi fou de musique et pianiste à ses heures, entend parler de Durosoir et le fait venir dans son quartier général, une belle demeure située à Villers-Bretonneux (Somme), entourée d'un parc, et surtout dotée d'un salon de musique et d'un piano Erard tout neuf ! Le "quintette du général" est né. L'assurance vie de Durosoir et de ses amis.
Après la guerre, il cesse de se produire et s'enferme dans sa maison pour se consacrer exclusivement à la composition. Une œuvre jamais jouée de son vivant, redécouverte après sa mort par son fils et sa belle-fille Luc et Georgie Durosoir. Cette dernière est musicologue.
Voilà le destin que le Musée de la Grande Guerre retrace jusqu'à la fin de l'année dans une exposition temporaire.
Le destin de Durosoir est un angle, comme on dit dans les rédactions. Il permet d'aborder de manière non-académique le thème de la musique dans le conflit. Une grande musique que la grande guerre a bouleversé.
Cette année encore, pour notre spéciale 11 novembre, j'ai choisi de travailler avec l'équipe du musée de la Grande Guerre, très dynamique et jamais en panne d'idées. Manuel Tissier y interviendra près du violoncelle de Maréchal.
Le catalogue de l'exposition (éditions Lienart) enrichit la visite par des textes riches et précis. Un vrai plus. On ne peut pas en dire autant de tous les ouvrages de ce type... À lire, même pour ceux qui n'ont pas vu l'expo.
Pour en entendre plus :
http://www.rfi.fr/emission/20150904-culture-musiciens-guerre
http://nvx.francemusique.fr/musique-14-18/
Lire aussi les correspondances de Maurice Maréchal et de Lucien Durosoir présentées par Luc Durosoir :