C'est sur l'hippodrome Roberty, ce samedi 9 juillet, que Marion Maréchal-Le Pen organise un « rassemblement BBR Grand Sud » sur la « thématique médiévale ». La députée du Vaucluse prononcera un discours à 15h. La présence d’élus FN des fédérations voisines est annoncée parmi lesquels Louis Aliot, Stéphane Ravier, David Rachline, Gilbert Collard, Julien Sanchez, Marc-Etienne Lansade, Pascal Verrelle, Philippe de Beauregard et Joris Hébrard. Pour ce « grand rendez-vous annuel des patriotes du Sud de la France », le programme proposé est large : « troupes d'animations, jeux ; stands des 9 fédérations organisatrices ; stands de producteurs agricoles, vente directe, artisanat local, ; stand de l'Europe des Nations et des Libertés (ENL) », présence de députés européens ainsi qu’intervention des maires FN.... mais aussi boutique FN et « plusieurs formules de restauration, snacks, buvette ».
C'est comme un air de déjà vu. Dix ans après les dernières fêtes Bleu-Blanc-Rouge (BBR), Marion Maréchal-Le Pen les remet en route. Certes, des différences apparaissent notamment la date et le coté « Grand Sud ». Mais des similitudes s'imposent. Sous la présidence de Jean-Marie Le Pen, les BBR étaient une sorte d’institution, de rituelle. La rentrée politique de l’ancien président du FN s’organisait en trois temps : un meeting dans sa ville natale, à La Trinité-sur-Mer, fin août, « pour reprendre contact avec l’opinion », une émission de radio et les BBR, fin septembre.
1981 – 2006 : 23 BBR à l’actif du FN de Jean-Marie Le Pen. Elles ne doivent pas être considérées comme un simple moment de retrouvailles de l’extrême droite française. Par l’intermédiaire de ce rassemblement voulu populaire, le FN entend afficher un visage plus avenant, familial et, pourquoi pas, festif. Rendez-vous incontournable pour des milliers de militants, élus et sympathisants du FN, les BBR permettent, également, notamment par la vente de produits estampillés FN, de remplir les caisses du parti.
La contre-fête de L'Humanité
C’est aux lendemains du désastre des législatives de 1981 que l’idée de créer les Bleu-Blanc-Rouge émerge. Le FN compte, à ce moment-là, moins de 300 adhérents. Il vient d’obtenir 0,18% des voix au premier tour des législatives (14 juin). Les finances sont au plus bas. Pourquoi ne pas créer une sorte de contre-fête de L’Humanité ? Et la recette des ventes de cette manifestation ne pourrait-elle pas renflouer les caisses du parti ?
Le 2 juillet, Michel Collinot annonce le lancement des BBR dans son message quotidien sur Radio Le Pen. Un peu plus de deux mois plus tard, la première fête des Bleu-Blanc-Rouge se tient au lieu-dit La Roche-Couloir, dans la vallée de Chevreuse (Yvelines), sur un terrain de ball-trap loué par le FN. L’objectif affiché ? Rassembler les partisans de la « droite nationale » alors qu’au même moment les « rouges » se trouvent à la fête de L’Humanité. Concert, clowns, jeux de boule, stands de tir et tombola : les BBR revêtent des « allures de kermesse ». La presse « nationale » est au rendez-vous comme quelques 3000 participants. On y croise des militants du FN et du FNJ, des monarchistes de l’Action française, des membres des associations des Amis de Rivarol et de Tradition et Progrès, des anciens militaires et quelques pieds-noirs. Mgr Ducaud-Bourget ouvre la manifestation avec la célébration d’une messe traditionaliste. Jean-Marie Le Pen la clôture avec son discours de rentrée.
C’est une réussite même si quelques erreurs logistiques sont constatées. Il s’agit donc de répéter l’opération avec des changements tendant à l’amélioration. Jean-Pierre Stirbois et Michel Collinot se mettent à la recherche d’un nouveau lieu de rassemblement. « Ni rose ni rouge, tous à la fête des Bleu-Blanc-Rouge. La contre-fête de L'Huma » proclame l’affiche des secondes BBR, organisées au parc d’attraction de la vallée des Peaux-Rouges, à Fleurines (Oise) les 18 et 19 septembre 1982. L’organisation est mieux réglée. De nouveaux stands apparaissent… et le prix d’entrée est deux fois plus élevé que l’année précédente.
34 346 entrées comptabilisées, soit dix fois plus que l’année précédente. Un « triomphe », de l’avis des organisateurs ; un « premier succès populaire », une « belle récompense (qui) marque une nouvelle étape dans l’émergence du Front National ». Les médias suivent. Les journaux de 20 heures des deux premières chaînes diffusent un reportage sur les BBR le 19 septembre.
Le rendez-vous s'institutionnalise. Les militants et sympathisants du FN ne font pas que déambuler dans des allées aux dénominations pour certaines chargées d’histoire comme l'avenue du Maréchal-Pétain aux BBR de 1983. Ils sont également considérés comme des clients qui se pressent aux divers stands des différentes fédérations, goûtent les spécialités régionales proposées. Les gadgets frontistes, notamment en vente à la boutique FN créée en 1983, deviennent un succès commercial. Cendriers, cartes postales, tee-shirts, etc. positionnent la marque Le Pen sur un autre plan que celui du politique : le marketing. La première création de la boutique FN est la cravate frontiste. Il s’en écoule 500 en quelques heures aux BBR de 1983. Jacques Olivier se souvient avoir tenu le stand du FNJ aux BBR de 1985. Le caleçon homme avec la flamme rapporte 90 000 francs en deux jours ! Ce sont des « trucs de militants ». Au FN, on est « fan de Le Pen. On achète tout, un peu comme au concert de Johnny Hallyday. Ce sont des petites gens généralement, des militants qui se dévouent corps et âme », poursuit le responsable de l'Atelier de propagande du FN pendant les années quatre-vingt-dix. La suite de l’histoire de ce rendez-vous annuel suit, en quelque sorte, celle du parti. Pendant les années 1990, les BBR évoluent tant sur le fond que sur la forme et annoncent des prestations de Jean-Marie Le Pen contrastées et controversées.
C'est une dénomination qui reprend les couleurs « nationales » Bleu-Blanc-Rouge, une association pérenne dans l'histoire du FN et un triptyque au centre de la propagande politique et visuelle du parti. Les BBR en font parties. Marion Maréchal Le Pen prolonge donc la tradition FN tout comme son grand-père, avec la création de son Rassemblement Bleu-Blanc-Rouge le 5 septembre 2015. Dans un entretien à Présent (30 juin), Julien Sanchez revient sur cette journée à venir. À la question de la journaliste - « les BBR dont tout le monde se souvient avec nostalgie sont donc de retour, mais régionalement ? » - le maire de Beaucaire dresse le parallèle avec les BBR qu’il a « connus » : il « y aura des stands régionaux avec des produits locaux et des stands de producteurs agricoles. L’idée est de passer une journée sympathique dans une bonne ambiance conviviale et patriote, sous le soleil, dans le sud ».