Alors que le FN s'apprête à se retrouver à Marseille, dans le cadre de son université d'été (UDT), les jeunes du parti viennent de terminer leur « tournée d’été ». Entre le 5 juillet et le 30 août, le Front national de la jeunesse (FNJ) l'a organisée dans la région Nord Pas-de-Calais. Les jeunes adhérents et sympathisants du FN ont découvert - ou re-découvert, rapporte un communiqué du FNJ, « cette région riche de par son histoire, sa gastronomie, ses paysages, son patrimoine, sa culture ».
Aux premiers temps du FN, les rendez-vous des jeunes, notamment leurs universités d'été, affichent une toute autre image. Il s'agit de fabriquer un « soldat politique »... tout en s'inspirant du Parti communiste. La formation du jeune nationaliste français s'effectue, également, par le biais de rencontres et d'échanges. Quatre pages jaunies par le temps - une plaquette destinée aux jeunes du FN désireux de participer au premier camp nationaliste Européen de l’été 1977 - décrivent avec détails l’organisation de ces quelques jours ; une sorte de formation complète incluant toutes sortes d’enseignements. La nouveauté ? Pour la première fois de son histoire, le Front national organise un camp destiné aux jeunes européens d'extrême droite.
La formation des jeunes frontistes
Début septembre 1974 se tient à Maule, dans les Yvelines, la première université d’été du FNJ. Son objectif s'inscrit dans la préparation des jeunes militants frontistes à la vie politique, ceci vers deux directions complémentaires : le militantisme et la formation politiques.
Comme son aîné, le militant FNJ est un « soldat politique ». Les futurs cadres du parti sont intégrés dans le système de formation, à condition de remplir une condition préalable : être âgé d’au moins 16 ans. Aussi bien formés idéologiquement que physiquement, ils participent à des activités « plein air » et assistent à des cours et conférences. Pendant les années soixante-dix, cette formation reste balbutiante... à l'image du FN. Elle s’effectue principalement lors de rendez-vous précis, notamment pendant les quelques universités d’été.
La formation des jeunes frontistes puise un certain nombre d'éléments dans le mode de fonctionnement du Parti communiste (PC). Les techniques d'apprentissage du militantisme en font parties : agitation politique, organisation et agit-prop sont les trois éléments mis en avant pour parfaire leur combat politique. À la tête du FNJ entre 1983 et 1986, Carl Lang reconnaît ouvertement l’intérêt de son parti – et son mimétisme – pour le PC, le seul parti politique organisant une université d’été pour ses jeunes. Il explique, en 2000, à la chercheuse Magali Boumaza, les éléments clés empruntés au parti ennemi et utilisés pour la formation des frontistes : « On était formateur et on leur apprenait un petit peu toutes les techniques d'agitation politique, d'organisation, l'agit-prop, vous savez, ce que disent les marxistes. Il y a trois éléments importants dans le combat politique : l'agitation, la propagande, l'organisation. Ben, l'organisation c'est ça, c'est utiliser des éléments d'actualité locale pour les exploiter. C'est l'agit-prop, la propagande, c'est le développement d'idées simples au niveau des masses. Et puis l'organisation c'est l'appareil du parti. Donc ces trois éléments nous les avons utilisés en nous inspirant des méthodes d'organisation et d'agitation communistes pour former des jeunes militants patriotes et nationalistes à ces méthodes-là ».
Le premier camp nationaliste européen
La croix celtique - un des symboles phares des mouvements d’extrême droite - est reproduite sur le document. C’est comme un centre de formation militante. Ces quelques jours de juillet 1977 ne sont pas seulement l’occasion de bénéficier d’une formation idéologique et physique. Ils représentent également un moment de rencontres, une sorte de relai entre différentes organisations nationalistes à l’échelle européenne.
La présentation insiste sur la formation physique et doctrinale du militant FN et du jeune sympathisant, futur cadre du parti ; le camp représentant pour lui « l'occasion de faire le point sur le travail d'une année et d'approfondir les capacités indispensables à tout futur responsable nationaliste » : cours de formation politique, études techniques, applications pratiques et entraînements physiques articulent une journée bien remplie.
Les formateurs « maisons » du FN, principalement François Duprat et Alain Renault, tous deux des Groupes nationalistes révolutionnaires (GNR), prennent en charge la formation doctrinale. Le règlement financier doit d'ailleurs être adressé à l'adresse postale des Cahiers européens, structure de presse des GNR. François Duprat, alors numéro deux du FN, est à ce moment le principal diffuseur des thèses négationnistes au sein de l’extrême droite française et internationale.
Organisation, apprentissages des techniques de moyens de défense, entraînements de commandos, etc. : rien n'est laissé au hasard. La discipline est de fer. Voici l'emploi du temps, proposé et détaillé :
La fabrique du militant... dans le sillage du FN Jean-Marie Le Pen
À partir des années 1980, l'organisation des camps et universités d'été des jeunes frontistes s'effectue plus ou moins régulièrement. Sous la présidence de Samuel Maréchal (1992-1999), le FNJ se structure. Comme le FN, son organisation jeune connaît une période post-scission pendant laquelle il végète. Au moment de l'arrivée de Marine Le Pen à la présidence du FN, plusieurs départs affectent le FNJ, quasiment réduit à néant. Depuis juillet 2008, le FN organise, de nouveau mais irrégulièrement, une université d'été pour ses jeunes à la mi-juillet. La treizième UDT se déroule dans la Nièvre. Divers thématiques (écologie, famille, immigration, mondialisation, Europe, économie et social) sont abordées par les cadres nationaux du FN.
Certaines fédérations FN impulsent des mini UDT, à l'échelle de leurs régions. Ces universités locales (logiquement assurées par un militant du cru) permettent, en général, de regrouper quelques dizaines de militants locaux et parisiens. Le camp FNJ, organisé à Lublé (Indre-et-Loire) en juillet 2011, remet la double formation - idéologique et physique - au coeur de ce « premier essai de "camp patriote" dans le sillage des anciennes Universités d'été du mouvement de jeunesse frontiste (...). Le tout se poursuit avec une formation de deux heures au self défense ». Des activités pratiques comme le collage et le tractage sont également proposées tout comme une formation politique sur le thème « représenter Marine : communication politique et électorale ». Pour finir, les jeunes du FN peuvent écouter un bilan général sur les cantonales et les « derniers argumentaires et éléments de langage », développé par Marine Le Pen.
La fabrique du militant FN se fait, notamment, par ces rendez-vous organisés par le parti d'extrême droite. Elle reprend, sur le fond et la forme, les principales structures et fondamentaux du FN de Jean-Marie Le Pen. Comme son aîné, le FNJ participe pleinement à l'opération de dédiabolisation des années 2010. Et aujourd'hui, la formation des militants, des cadres et des jeunes représente un des éléments clés de la conquête du pouvoir du FN.