A première vue, pas besoin de loupe pour trouver un continent. Les chercheurs qui viennent de localiser un continent disparu en plein océan Indien ont pourtant dû passer les sables de l’île Maurice au peigne fin, le plus littéralement du monde. Les fines analyses géologiques menées ensuite leur ont permis de remettre la main sur un fragment du continent indien, arraché à l’Asie voici 60 millions d’années. Retrouvée mais inaccessible, Mauritia rejoint une longue liste de continents engloutis et de cités perdues : Mû, Thulé, Avalon… et star entre les stars, l’Atlantide.
1 D’où sort l’Atlantide ?
De deux livres signés de Platon, le Timée et le Critias : le philosophe y raconte l’histoire "certainement vraie, bien qu’étrange" d’un peuple maritime à la puissance incomparable : les Atlantes dont il décrit la civilisation et la capitale avec force détails. Partis 10 000 ans avant notre ère d’une île située au-delà des colonnes d’Hercule, les Atlantes auraient fini par dominer l’ensemble de l’Afrique et de l’Europe de l’Ouest. Initialement vertueuse, la civilisation atlante aurait sombré dans la démesure, l’arrogance et la corruption au point d’être châtiée par Poséidon lui-même pour s’être lancée dans une guerre de trop, cette fois contre Athènes. Et "dans l'espace d'un seul jour et d'une nuit terribles (…) l'île Atlantide s'abîma dans la mer et disparut".
Il est hautement probable que Platon n’ait fait qu’inventer l’Atlantide de toutes pièces, un procédé classique destiné à donner quelques leçons de vertu à l’Athènes de son temps par une série de métaphores à haute valeur morale ajoutée. Reste que le mythe un temps oublié resurgit des siècles plus tard dans la culture occidentale quand Colomb découvre le Nouveau Monde : une terre immense, à l’ouest des colonnes d’Hercule, des plantes, des hommes et des animaux inconnus… Lui-même sera un temps convaincu d’avoir trouvé l’Atlantide en cherchant les Indes.
2 Mais il est où ?
Probablement chez Platon et seulement chez Platon, mais ce n’est pas faute d’avoir cherché. 5000 ouvrages au bas mot – et autant de théories - témoignent d’une empreinte assez puissante pour pousser à des explorations plus ou moins loufoques.
Si Gladstone, le Premier ministre britannique, ne parvint pas à convaincre les Lords de financer une expédition, ce n’est pas cas le cas de la famille Krupp : les marchands d’armes les plus riches d’Europe consacrèrent un demi-million de dollars à des recherches au beau milieu du…Brésil, au début du 20ème siècle. Le petit-fils d’Heinrich Schliemann, l’archéologue qui découvrit Troie, jura pour sa part ses grands dieux que son grand-père lui avait légué sur son lit de mort des notes permettant d’enfin localiser l’île engloutie. L’escroquerie faillit prendre.
Quelques dignitaires nazis en mal de mysticisme – dont Himmler lui-même - le cherchèrent jusqu’au Tibet, région du monde connue pour ses grands espaces maritimes. En 1998 encore, un arnaqueur allemand réussit à convaincre quelques adeptes d’aller chercher l’Atlantide au fin fond de la Finlande.
Dans les années 60 s’installera l’idée chez que si l’Atlantide est un mythe, il renvoie sans doute à un événement réel. Coïncidence, archéologues et historiens travaillent alors à redonner toute sa place à une culture brutalement disparue en Crète : la civilisation minoenne. La thèse dominante à l’époque, battue en brèche depuis, veut que cette civilisation paisible et commerçante ait été littéralement soufflée par l’explosion du volcan de Santorin et achevée par le tsunami monumental qu’elle provoqua vers 1550 avant Jésus-Christ. Depuis la célèbre Calypso, Jacques-Yves Cousteau mènera à cette époque une série de recherches archéologiques sous-marines aux résultats spectaculaires. L’hypothèse a le mérite de coller au mot près au texte de Platon – ou presque : le texte évoque une île située au-delà des colonnes de Gibraltar, loin à l’ouest de Santorin. On n’a pas fini de chercher l’Atlantide…
Il ne reste qu’à se consoler en cherchant les traces littéraires, plus ou moins directement inspirées de Platon : le capitaine Nemo le découvre depuis le Nautilus, le Ryl’eh de Lovecraft s’en inspire et le Nùmenor cher à Tolkien s’appelle Atalänte dans la langue des Elfes…