Après PISA et le niveau en maths, c’est désormais la dégradation des compétences des élèves en lecture qui sont pointées du doigt. Sans se prononcer un instant sur le fond de la question - Lucien Marboeuf s’en charge avec bien plus de compétences sur son blog – on se bornera ici à observer que le reproche n’est pas nouveau. « Tout fout le camp, le respect est mort, les élèves n’ont plus le goût de l’effort ni le sens de la hiérarchie, les enseignants sont nuls et font de la politique au lieu de faire cours… » : le discours décliniste ne date pas d’hier, à en croire ce petit florilège d'auteurs parfois anciens.
Déjà, pourquoi s’instruire ?
« La trop grande propagation de l’instruction menace l’Europe des plus grandes calamités parce qu’elle détourne l’homme de toutes les professions manuelles. »
A. Françon, Causes de la grandeur et de la décadence des Romains, 1867
« … Quant au bon peuple, l’instruction gratuite et obligatoire l’achèvera. »
Gustave Flaubert, Lettre à George Sand, 8 septembre 1871
« Le temps passé à l’école est du temps à peu près perdu pour la majorité des enfants. »
Maurice de Gasté, La bêtise humaine et la science de la vie, 1912
De toute façon, l’instruction, c’est mauvais pour l’enseignement.
« À la fin, les élèves n'en font qu'à leur tête, comme s'ils n'avaient jamais reçu d'éducation ».
Goethe, Faust, 1806
« L’instruction absolument gratuite (…) telle que projettent de l’établir les mameluks de la République ne répond pas à un vœu populaire et est inutile au vrai progrès de l’enseignement. »
L’Univers, 28 mai 1880
Il n’y a plus de jeunesse, les programmes sont nuls et les profs aussi
« 52 % des enseignants du secondaire révèle pensent que leurs élèves sont « victimes d’une culture de masse qui a détruit en eux le goût du travail et de l’effort intellectuel. »
Sondage, 1972
« Ta poitrine est donc d'airain, pour pouvoir tenir dans cette classe surpeuplée ? Car tout ce que les élèves ont lu assis, ils vont le rabâcher debout, en récitant toujours les mêmes choses dans les mêmes mots. »
Juvénal, Satires
« Les écoles sont des usines de sottise et d'esprit perverti. »
Thomas Bernhard, Un enfant, 1982
« Les hommes apprennent dans les écoles tout ce qu'il faut oublier. »
Christine de Suède, Maximes et pensées, 1682
« Non seulement les élèves mais les enseignants eux-mêmes, parfois, ne savent plus faire la distinction entre les Confessions de Rousseau et les Mémoires de Loana. »
Jean-Paul Brighelli, La Fabrique du Crétin, 2005
« Ce qu'il y a de plus remarquable chez les maîtres et maîtresses d'école, c'est leur talent de fasciner les mamans, naïves et stupides, et les papas imbéciles, qui croient sur parole la science qu'ils se donnent. »
Érasme, Éloge de la folie, 1521
Et en plus d’être nuls, les profs sont dangereusement politisés
« La plus basse classe de la société, dans les grandes villes, est la plus dépravée (…) Le maître d’école est pour ainsi dire celui qui a inoculé cette lèpre. »
Anonyme, L’Écho britannique, 1834
« Je demande formellement autre chose que ces instituteurs laïques dont un grand nombre sont détestables. »
Adolphe Thiers, Discours, 1850
« Les instituteurs qui sont le plus souvent des pédants, ont en matière de langage des préjugés bien ridicules en ce sens que ce sont des préjugés de petits bourgeois alors que la plupart (…) sont pour le moins socialistes. »
Les Nouvelles économiques et financières, 16 juin 1933
« Je recommande à vos coups les Écoles normales*. Elles mériteraient d’être submergées dans des flots d’acide. Les 9/10e des élèves, si pas la totalité, sont socialistes, antinationalistes, antimilitaristes et par-dessus le marché, vicieux comme des cochons. (…) Vous parlerai-je des Écoles normales de filles ? Ces malheureuses enfants n’ont aucune religion et professent un athéisme révoltant. Elles ont de plus la frénésie du vice. »
Jean de Dompierre, Tas de cochons ! Odyssée du fameux marin breton Biennick, 1905
* Les Écoles normales ont formé les institutrices et les instituteurs du début du 19e siècle jusqu’en 1969.
Bref, c’était mieux avant quand on savait faire régner l’ordre, nom de dieu
« Je dirai donc l’ancienne éducation, en quoi elle consistait, lorsque florissait mon enseignement de la justice et que la prudence était en honneur. D’abord il ne fallait pas entendre un enfant souffler mot ; puis ils s’avançaient en bon ordre dans les rues vers l’école du maître, les cheveux longs, nus, serrés, la neige tombât-elle comme d’un tamis. Si quelqu’un d’eux faisait quelque bouffonnerie (…) il était châtié, roué de coups. »
Aristophane, Les Nuées
« Achille craignait encore les verges et ne se serait pas risqué à rire de la queue de son maître le centaure, qui lui enseignait la cithare. Tandis que les élèves d'aujourd'hui font leurs souffre-douleurs de Rufus et de bien d'autres ».
Juvénal, Satires
Bonus track : du côté des profs aussi…
Si les discours critiques sur l’école sont éternels, trois doléances au moins des enseignants ne datent pas d’hier non plus : leur salaire, les exigences des parents d’élèves et la prise en charge de missions d’éducation qui relèvent plutôt de la responsabilité parentale. Du moins à en croire Juvénal, dans ce passage des Satires qui pourrait à peu de choses près dater de la semaine dernière.
« Qui donc leur verse la valeur de leurs travaux (…) ? Encore, sur ce pauvre salaire, le pion stupide prélève sa part et l'économe la sienne. (…) Et félicite-toi de n'avoir pas perdu ton travail commencé en pleine nuit (…) : tu n'auras pas respiré pour rien l'odeur d'autant de lampes qu'il y a d'enfants dans ta classe, avec leur Horace défraîchi et leur Virgile sali.
Avec cela, vous êtes, parents, bien exigeants. Il faut que le maître soit ferré sur les règles de grammaire, qu'il n'ignore rien de l'histoire, qu'il possède les auteurs sur le bout du doigt et que par exemple il soit capable de soutenir une colle quand il se rend aux thermes ou aux bains d'Apollon, qu'il puisse nommer la nourrice d'Anchise ou la belle-mère d'Anchemolus avec son lieu de naissance, dire combien d'années vécut Alceste et combien il donna d'outres de vin de Sicile en cadeau aux Phrygiens.
Allons, exigez qu'il façonne les caractères encore malléables de vos enfants, comme le pouce du modeleur fait pour un visage dans de la cire. Exigez que ce sculpteur soit aussi un père et qu'il empêche les jeux déshonnêtes, les licences réciproques. – « … Mais ce n'est pas rien de surveiller tant d'enfants ! » - « Ah, répond-on, c'est ton affaire ; et au bout de l'année, reçois autant d'or que le peuple en réclame pour le vainqueur d'un seul combat dans le cirque. »