La découverte d’un vaste espace creux à l’intérieur de la pyramide de Chéops prouve que les sites les plus étudiés du monde réservent encore quelques surprises. Et si la dernière merveille du monde encore debout aujourd’hui n’a pas fini de fasciner, elle est loin d’être le seul site archéologique à titiller la curiosité des chercheurs. Tour d’horizon de trois énigmes tenaces.
Les schmilblick romains à douze faces
Commençons petit avec la quantité de machins trucs bitognots bidules retrouvés un peu partout sur le territoire de l’ancien Empire romain, bidules que les archéologues décrivent plus sérieusement comme des dodécaèdres à face pentagonale. Autrement dit, de petits objets creux – une dizaine de centimètres pour les plus grands – dont les douze faces comptent cinq côtés et qui rappellent un peu les dés qu’utilisent les amateurs de jeu de rôle. Chaque face est percée d’un trou circulaire et les quelques centaines d’exemplaires recensés, le plus souvent en bronze et parfois en pierre, datent tous du 2e ou 3e siècle après J.-C, à peu près l’époque de Gladiator. Et le gag, c’est qu’on n’a pas la moindre idée de leur utilité – disons aucune certitude en l’absence d’autres sources, littéraires ou iconographiques, pour trancher entre plusieurs hypothèses. Certains y voient des socles de bougeoirs, d’autres des instruments de mesure, des jauges destinées à calibrer les canalisations qui alimentaient les villes romaines, des objets de religieux ou même des ustensiles dédiés à dire la bonne aventure au terme d’un jet de hasard. On retombe sur le dé des rôlistes…
Les bolas du Costa Rica
De grosses boules de granit lisses, presque parfaitement sphériques, larges de plus de deux mètres de diamètres et lourdes de seize tonnes pour les plus impressionnantes : les quelques 300 bolas retrouvées depuis les années 30 au Costa Rica posent de sacrés problèmes aux archéologues. A commencer par leur âge, particulièrement difficile à évaluer : il n’existe aucune témoignage écrit, le fameux carbone 14 ne marche que sur des restes d’origine organique et comme la plupart des pierres ont été déplacées au moment de leur découverte, impossible de se baser sur l’âge d’autres indices retrouvés autour d’elles. Résultat : on suppose qu’elles ont été sculptées entre -200 avant Jésus-Christ et… le 16e siècle.
Par qui ? Il n’y a aucune certitude, même si les Diquís, un peuple semi-nomade de l’époque précolombienne, font de bons candidats. Comment ? C’est toute la question. On estime qu’elles ont sans doute été fabriquées à partir de blocs de pierre rendus déjà plus ou moins sphériques par l’érosion naturelle. Leurs concepteurs auraient ensuite poli la surface avec des outils de plus en plus fins, avant de fignoler par un dispositif de sablage. Quant à leur fonction, là aussi, mystère et boule de gomme. Peut-être étaient-elles alignées pour former un ensemble de nature religieuse et/ou astronomique, comme les mégalithes de Stonehenge, mais il ne s’agit que de spéculations.
Les ruines de Yonaguni
On ne chantera jamais assez les mérites des plongeurs : comme pour la machine d’Anticythère, c’est à eux qu’on doit la découverte en 1985 d’une longue structure sous-marine de pierre près de l’île de Yonaguni, au Japon. 75 mètres de dalles lisses qui évoquent un escalier dont les marches feraient plusieurs mètres de haut. Reste à savoir si ces formes géométriques et régulières sont naturelles – un peu comme les roches de la chaussée des géants, en Irlande ou sont les vestiges d’un monument sculpté par l’homme et noyé sous les eaux suite à un cataclysme quelconque. Le débat fait toujours rage entre scientifiques. Tout au plus sont-ils tombés d’accord pour conclure que ces immenses dalles, qui sont tout d’une pièce, étaient émergées voici deux millénaires. Le reste relève toujours de la plus pure spéculation ; même s’il y aura toujours des enthousiastes pour y voir une preuve indubitable de l’existence des Atlantes ou d’une visite extra-terrestre, l’explication pourrait être plus simple : pour certains chercheurs, la structure est bien naturelle, mais aurait été à un moment utilisée comme carrière, d’où la régularité de la structure. À suivre…
Bonus track : la machine d'Anticythère
Cette énigme se classe depuis une dizaine d'années dans la catégorie des mystères résolus, mais il aura fallu du temps. Tout commence en avril 1900 : au cours d’une plongée près de l’île d’Anticythère, au sud-est du Péloponnèse, deux pêcheurs d’éponge font une sacrée découverte, à 60 mètres de fond : une longue épave que les spécialistes identifient comme une galère romaine, engloutie vingt siècles plus tôt. Les fouilles successives ont permis de ramener à la surface une partie de son impressionnante cargaison : monnaies, verreries, disque de bronze à tête de taureau… Et une tripotée de disques dentés dont on a fini par comprendre qu’ils appartenaient à un unique mécanisme bien plus complexe que les astrolabes déjà découverts ici ou là : la machine d’Anticythère, composée de dizaines d’engrenages et de roues dentées. Le tout était abrité dans un châssis de bois de 35 centimètre de haut sur 18 de large, épais de 9 centimètres et couvert d’inscriptions et de signes en langue grecque.
Après un léger temps de recherche de… 106 ans, le travail de dizaines d’archéologues, de linguistes, de mathématiciens, d’archéologues et d’astronomes a enfin permis de saisir toute l’utilité de la machine : alors que les textes sont à la fois un mode d’emploi et un manuel d’astronomie, la machine elle-même était un calculateur analogique, animé par une manivelle, conçue pour décrire les mouvements du soleil et des planètes visibles depuis la terre et capable de prévoir la date des prochaines éclipses… Un tour de force : lourde de quelques centaine de grammes à peine, la machine n’a aucun autre équivalent connu dans l’antiquité. Il faudra attendre la fin du Moyen Age pour voir réapparaître des dispositifs aussi précis.