Si les investigations doivent encore se poursuivre dans l'espoir que les enquêteurs et la justice puissent clore l’affaire, l’une des plus célèbres enquêtes criminelles françaises connaît un tournant majeur. Près de 33 ans après, la perspective de pouvoir enfin identifier les responsables de la mort de Gregory rappelle le récent épilogue d’un autre cold case célèbre : l’enlèvement et le meurtre de Jacob Wetterling, un enfant américain de 11 ans.
Minnesota, automne 1989
A neuf heures du soir, le 22 octobre 1989, le jeune Jacob Wetterling rentre en vélo d’un magasin de location de vidéo, accompagné de Aaron, un copain de son âge et de son petit frère de dix ans, Trevor. Tous trois habitent St.Joseph, une petite ville américaine de 6 500 habitants, et sont partis louer un film pour la soirée.
A la sortie d’un parking un peu éloigné des habitations, les trois enfants tombent sur un homme au visage recouvert d’un bas, une arme à la main. Dans un effort désespéré, les trois enfants tentent d'abord de l’aveugler avec leur lampe électrique, avant de le supplier de prendre leur cassette vidéo et de les laisser tranquilles – évidemment sans succès.
Sous la menace, les trois enfants sont forcés de jeter leurs bicyclettes dans un fossé puis de s’allonger sur le sol, face contre terre. L’homme armé leur demande alors leur âge. Après avoir ordonné au petit frère de Jacob de courir sans se retourner vers un bosquet voisin, sous peine de recevoir une balle dans le dos, l’agresseur demande aux deux garçons de se retourner vers lui. Après avoir choisi Jacob, il ordonne à son ami Trevor de filer à son tour, le menaçant à son tour de lui tirer dessus s’il le voit se retourner en fuyant. C’est la dernière fois que Jacob sera vu en vie.
27 ans d'attente
Très médiatisée, l’enquête piétine pourtant en dépit des efforts des enquêteurs qui font rapidement le rapprochement entre l’enlèvement de Jacob et un cas similaire. Neuf mois plus tôt et à quelques kilomètres seulement de St. Joseph, un autre jeune garçon avait été enlevé dans des conditions équivalentes à celles que décrivent Trevor et Aaron, avant d’être violé par un homme masqué. L’auteur lui avait ensuite ordonné de filer, sous peine de se faire tirer dans le dos.
La libération de la première victime comme l’absence de corps laissent longtemps de l’espoir à la famille de Jacob. Mais les recherches ne donnent rien et près de trois décennies d’une interminable torture commencent pour la famille, tandis que l’Amérique toute entière découvre le visage de Jacob, régulièrement diffusé dans les médias, reproduit sur des milliers d’affiches et affiché dans tous les commissariats du pays.
Comme pour l’affaire Grégory, le sourire heureux du jeune garçon en fait le symbole de la souffrance des nombreux parents d’enfants disparus. Elle attire aussi l’attention du grand public sur la question des prédateurs sexuels et des disparitions d’enfants. En quelques années, sont votées une série de mesures de protection de l’enfance dans de nombreux Etats américains. En 1994, le Wetterling Act, la loi fédérale qui oblige les Etats à mettre en place un registre des agresseurs sexuels porte le nom du petit disparu.
L’acharnement des enquêteurs
En 2014, l’évolution des moyens techniques et l’acharnement des enquêteurs finissent par payer. A force de reprendre point par point les agressions d’enfants dans le comté de St.Joseph, les autorités établissent des liens entre une demi-douzaine d’attaques intervenues entre l’été 1986 et le printemps 1987, toutes localisées à moins de 40 minutes du lieu de l’enlèvement de Jacob. Ce travail de fourmi permet aux enquêteurs de s’intéresser de près à un homme déjà mis en cause en 1989, mais rapidement libéré faute de preuves : Danny Heinrich. Mis en cause dans une autre affaire d’enlèvement, l’homme est finalement arrêté en octobre 2015, 26 ans après l’enlèvement de Jacob.
Heinrich finit par coopérer avec les enquêteurs. Le 1er septembre 2016, les enquêteurs fouillent un champ sur ses indications, à une cinquantaine de kilomètres du lieu de l’enlèvement et à quelques centaines de mètres de l’endroit où vivait Heinrich en 1989. Deux jours plus tard, la mère de Jacob annonce que le corps de son fils a été retrouvé. Son identification a été rendue possible grâce aux vêtements retrouvés et aux empreintes dentaires du petit garçon.
Le 6 septembre, Danny Heinrich reconnaît l’enlèvement du jeune garçon dans le cadre d’une procédure de plaider coupable. Il raconte avoir menotté Jacob à l’avant de son camion alors que le petit le suppliait de lui dire ce qu’il avait fait de mal. Après l’avoir traîné dans un bois, battu et agressé sexuellement, Heinrich prétend avoir été pris de panique face à Jacob qui le suppliait en pleurant de le laisser rentrer chez lui. Il dit lui avoir alors ordonné de se retourner avant de l’abattre de deux balles dans le dos. Il indique avoir échappé aux barrages mis en place cette nuit-là en écoutant le scanner de la police. Un an plus tard, il était revenu sur les lieux du crime pour déplacer le corps dans l’endroit où les policiers l’avaient finalement retrouvé.
En choisissant de coopérer, Heinrich a pu bénéficier d’une négociation de peine (plea bargain). Uniquement poursuivi pour détention d’images pédopornographiques, il a été condamné en 2017 à vingt ans de prison, soit la peine maximale pour ce crime dans le Minnesota.
A 54 ans, Danny Heinrich ne sera jamais jugé pour le meurtre d’un enfant de 11 ans. Il sera officiellement libérable en 2034, même s'il est peu probable qu'il sorte un jour de détention.
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P.-S : le témoignage de Heinrich devant le tribunal est intégralement retranscrit ici, en anglais – attention, sa lecture est particulièrement pénible.