Trois come-backs nettement plus impressionnants que celui de Bernard Tapie

72 ans, toutes ses dents et l’envie de les planter dans quelque chose : Bernard Tapie est de retour en politique. Qui plus est avec un programme clair : interdire le chômage des jeunes, probablement une première étape avant de rendre la faim dans le monde illégale. Cela étant, l’ancien ministre / député européen / patron / chanteur / animateur de télévision / acteur / écrivain aurait tort de se priver : des retours plus spectaculaires que le sien, il y en a eu. La preuve par l’exemple.

Charles II, roi en plusieurs épisodes

Londres, 1649 : après sept ans d'une guerre civile finalement remportée par les Têtes Rondes d’Olivier Cromwell, le souverain Charles Ier Stuart est découpé à la hache en deux parties non égales par un bourreau masqué.

Sale temps pour son fils, également baptisé Charles. Le jeune homme doit prendre la fuite et se réfugie après des cours princières de plusieurs pays, à commencer par la France de Louis XIV. En 1650, Charles croit voir une occasion de reprendre la couronne d’Angleterre en commençant par accepter celle d’Ecosse. Il lève une armée et se dirige vers l’Angleterre ; las, Cromwell lui met une sérieuse tatouille à la bataille de Worcester. Charles lui-même échappe de justesse en se planquant dans... un arbre [1]. Il ne lui reste plus qu’à repartir en exil à travers toute l’Europe.

Il y tisse alliance sur alliance et complot sur complot dans le but d’éliminer Cromwell avec un remarquable manque de réussite. Pire, Cromwell passe une série de traités avec les royaumes européens qui contraignent Charles à s’exiler régulièrement pour ne pas être livré à l’Angleterre. Mais voilà qu’en 1658, Cromwell casse sa pipe brutalement, victime d’une infection urinaire. Charles voit enfin le bout du tunnel, mais ce n’est pas gagné d'avance : le fils d’Olivier Cromwell, Richard, est bien décidé à conserver la place de son père. Après deux ans de confusion, le jeune homme – il n’a pas trente ans – parvient enfin sur le trône le 14 mai 1660 après douze ans d'exil, non sans avoir promis de ne pas s’en prendre aux meurtriers de son père.

Bien évidement, il s’empresse de faire le contraire : neuf des régicides sont exécutés selon la procédure sympathique dite du "hanged, drawn and quartered" dont je me sens forcé de dire un petit mot au passage. Les condamnés sont traînés nus sur un treillage de bois à travers les rues puis pendus, mais sans mise à mort pour leur permettre de bien profiter de la suite. Éventrés, éviscérés et émasculés, ils voient tous leurs bas morceaux brûlés sous leurs yeux. Le cœur est ensuite arraché avant que leurs cadavres ne soient décapités et divisés en quatre morceaux. Décidément un peu énervé, Charles II ne s’arrête pas aux vivants : le corps d’Olivier Cromwell et d’autres figures de la Révolution sont exhumés et décapités. Rappelons que Charles II est resté dans les esprits comme le Merry Monarch, le Monarque Joyeux.

Joyeux, mais rancunier.

Trickie Dickie et le coup du chiot

On sait que le scandale du Watergate finit par mettre un point final à la carrière de Richard Nixon. Ce qu’on sait moins, c’est que « Trickie Dickie » (« Richard le Rusé ») avait fait à plusieurs reprises déjà la preuve de sa capacité à rebondir bien avant d’accéder à la Maison Blanche.

Vice-président d’Eisenhower en 1952, Nixon se retrouva au cœur d’un scandale médiatique, accusé notamment de corruption pour s’être fait offrir une série de présents un peu trop luxueux. Et là, coup de génie : Nixon s’adresse à la télévision des larmes dans la voix pour expliquer qu’il rendra tout – sauf un cadeau, un seul : le petit chiot tant adoré de sa fille, Checkers... Une pirouette émotionnelle qui retourna 60 millions de spectateurs, assez attendris pour ne plus prêter aucune attention au reste des accusations… Résultat ? Par la grâce d’un bébé chien, d’un Nixon garda son poste et fut réélu aux côtés d’Eisenhower en 1956, la voie royale pour l’élection de 1960.

Sauf que rien ne se passa comme prévu par la faute d’un fils de milliardaire bien coiffé, un certain John Kennedy, qui l’emporta face au candidat républicain - de justesse. Pire : Nixon se ramassa une deuxième claque chez lui, aux élections californiennes de 1962 : le siège de gouverneur lui échappa nettement. Le genre de double échec que le très darwinien système politique américain pardonne rarement. Nixon lui-même accusa le coup : « Vous n’aurez plus à me malmener, messieurs, ceci est ma dernière conférence de presse » lança-t-il aux journalistes venus l’interviewer.

Trickie Dickie fila se refaire une santé à New York, au sein d’un cabinet d’avocats où il eut la sagesse d’attendre un peu. Il ne se lança pas dans la course aux primaires républicaines en 1964 mais adoucit son image publique à coups de best-sellers ou en jouant du piano au Tonight Show. Et en 1968, jackpot : Richard aux mille tours remporta enfin la course et entra à la Maison Blanche. Quatre ans plus tard et au lendemain d’une réélection triomphale, le Watergate éclatait.

Ulysses S. Grant, la rédemption de l’alcoolique

Cavalier d’exception, le jeune Ulysses S. Grant aurait dû sortir de l’académie militaire de West Point pour rejoindre une unité de cavalerie. Au lieu de quoi, le jeune officier natif de l’Ohio se retrouva affecté dans l’infanterie pendant la guerre qui opposa le Mexique et les États-Unis entre 1846 et 1848. Remarqué pour son courage, Grant franchit rapidement les échelons et fonda une famille. Tout allait bien jusqu’à son affectation à mille lieux de cette dernière, dans l’Oregon puis en Californie. Le jeune marié supporta très mal l’épisode au point de se mettre à boire dans des proportions plus que déraisonnables, addiction que des revers financiers ne firent que renforcer.

Dépressif, écœuré de lui-même Grant démissionna de l’armée en 1854 pour retrouver sa femme et tenter de repartir plus ou moins de zéro en cultivant une ferme héritée de son père – sans beaucoup de succès et avec l’aide d’un unique esclave qu’il s’empressa d’ailleurs d’affranchir. La situation devint de plus en plus difficile : au cours de ces années noires, Grant en fut réduit à mettre sa montre en gage pour pouvoir acheter des cadeaux à sa famille.

Au début de la Guerre de Sécession en 1860, Grant retrouva l’armée à un rang modeste, chargé d’entrainer des volontaires.  Unanimement considéré comme un ivrogne irrécupérable, il finit pourtant par retrouver un poste de commandement dans un contexte où l’armée de l’Union manquait d’autant plus cruellement d’officiers expérimentés que ceux-ci se faisaient déchiqueter sur les camps de bataille.

La suite est connue : les talents de stratège de Grant se réveillèrent et son succès fut tel que Lincoln le plaça à la tête des armées du Nord en 1864. L’année suivante, le général Lee signait la reddition confédérée à Appomattox. En 1866, Grant fut nommé General of the Army – le plus haut rang possible pour un militaire américain, atteint seulement par sept autres officiers depuis.

Deux ans plus tard, Grant accédait à la Maison Blanche : non seulement il n'avait jamais occupé de fonctions électives mais il était à 46 ans le plus jeune président de l'histoire des États-Unis[2]. Pas mal pour un ivrogne.

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[1] Authentique : l’épisode est régulièrement célébré en Angleterre, encore aujourd’hui. Un chêne pédonculé, pour être précis.

[2] Theodore Roosevelt, devenu président après l’assassinat de McKinley, qui battra ce record en 1901. Mais le président élu le plus jeune reste Kennedy, 43 ans en 1960 et record en cours.

Publié par jcpiot / Catégories : Actu