Ben Laden, fan d’Enrico Macias ? Une possibilité qui fait sourire, mais qui rappelle d’autres passions a priori insoupçonnables.
Hitler aimait beaucoup, mais alors beaucoup Disney
On le sait : Hitler, avant de devenir le maître de l’Allemagne nazie, avait entamé une carrière artistique qui se solda par un bide total. Ce qu’on sait moins, c’est que le goût du Führer pour les arts graphiques ne s’arrêtait pas à la peinture classique. Le chancelier avait ainsi développé une affection durable pour… Walt Disney en général et Blanche-Neige en particulier – un dessin animé sorti en 1938 qu’Hitler considérait comme le meilleur film de tous les temps et dont il possédait même une copie privée, réservée à son usage personnel – et pour cause, le film était dans le même temps interdit de diffusion en Allemagne. Au-delà du pittoresque, rappelons que Blanche-Neige était une prouesse technologique pour son époque : peut-être Hitler s’intéressait-il à l’intérêt potentiel du dessin animé pour sa propagande.
Reste que son goût pour le monde merveilleux de Donald et de Mickey était assez connu pour que son ministre de la propagande, Joseph Goebbels, lui procure toute une série de produits dérivés autour de Mickey Mouse – en pleine guerre mondiale. Mieux : en 2008, le conservateur d’un musée norvégien a retrouvé plusieurs dessins cachés derrière une peinture attribuée à Adolf Hitler. Signés « A.H », les trois dessins représentent deux des nains de Blanche-Neige ainsi que Pinocchio. Reste un doute légitime concernant l’authenticité de ces dessins : les peintures d’Hitler s’arrachent à prix d’or chez certains collectionneurs et les faux se sont multipliés avec le temps. Mais l’idée d’un Führer dessinant des petits Mickeys entre deux invasions a indéniablement quelque chose d’assez surréaliste…
Les dessins attribués à Hitler
Saddam Hussein écrivait des romans à l’eau de rose
On ne présente plus Saddam Hussein, le meilleur ennemi de l’Amérique avant Ben Laden. L’homme mena l’Irak d’une main de fer pendant plusieurs décennies avant de finir pendu en 2006, après deux guerres perdues contre les États-Unis.
Reste que la main de fer savait parfois mettre un gant de velours et se faire romancier voire poète : on lui doit en tout quatre romans et plusieurs recueils de poèmes, tous conçus comme des allégories plus ou moins fines de l’héroïsme du peuple irakien face aux puissances étrangères (le titre d’un des romans, La citadelle fortifiée, en dit long). Des romans de plusieurs centaines de pages parfois, probablement écrits par un ou plusieurs collaborateurs mais signés et supervisés par le dictateur.
Rien que de très classique, à un détail près : l’un de ces romans, Zabibah et le roi, relève de la plus pure tradition du roman à l’eau de rose : dans un contexte médiéval, une belle princesse, Zabibah, s’est unie pour son malheur à un roi étranger qui la bat et la viole. Heureusement, elle croise la route d’Arab, un prince de Tikrit (ville natale de Saddam Hussein…), qui l’arrache aux griffes de son cruel époux au terme d’exaltantes péripéties.
Remplacez Zabibah par le peuple irakien, le roi étranger par l’Occident et Arab par Saddam Hussein et vous tenez une allégorie suffisamment simpliste pour se classer dans la catégorie « Le symbolisme pour les Nuls ». N’empêche : les rêveries romantiques de Saddam se vendirent à un million d’exemplaires tout de même, sans compter les ventes de l’édition anglaise. Ni le succès de la série télé en vingt épisodes ou de la comédie musicale qui en furent tirées…
Idi Amin Dada, l'écossais de cœur
Héros de l’Ouganda à son arrivée au pouvoir en 1971, Idi Amin Dada est resté dans la mémoire collective comme l’incarnation parfaite du chef d’État fou à lier, bien aidé par une légère tendance à la mégalomanie galopante et au massacre de ses opposants – 100 à 500 000 morts tout de même. Son goût déraisonnable pour l’accumulation de titres ronflants, dont celui de « Seigneur des bêtes de la terre et des poissons de l’océan »[1] fit entre autres les délices d’une presse occidentale qui le caricaturait régulièrement en Ubu africain.
Doué d’une carrure impressionnante (il fut pendant dix ans le champion de boxe de son pays, catégorie mi-lourd), ancien lieutenant de l’armée britannique avant l’indépendance de l’Ouganda, Idi Amin Dada entretint tout sa vie des rapports ambigus avec l’ancien colonisateur, à qui il devait une bonne partie de son ascension fulgurante. Se présentant auprès du peuple comme celui qui avait bouté les Anglais hors du pays, il alla jusqu’à se présenter en conquérant de l’Empire britannique et en roi d’Ecosse – une anecdote qui donna son nom au film de Kevin Mac Donald sorti en 2006.
Et si le film prend quelques libertés avec la réalité, plusieurs éléments sont tout ce qu’il y a d’authentique. Amin Dada réclama bel et bien le titre de roi d’Ecosse à la reine d’Angleterre qu’il abreuvait de courriers officiels plus ou moins farfelus, dont une demande en mariage à laquelle la souveraine, bizarrement, ne donna pas suite. Ou des demandes de ce genre : "ma chère Reine, j'aimerais que vous arrangiez pour moi une visite de l'Ecosse, de l'Irlande et du pays de Galles pour me permettre de rencontrer les chefs des mouvements révolutionnaires qui combattent votre oppression impérialiste."
Son goût pour le pays du whisky et du Loch Ness alla jusqu’à imposer à sa garde personnelle le port d’un kilt qu’il arbora lui-même fièrement à différentes reprises jusqu’à la fin de sa vie, qu’il finit exilé en Arabie Saoudite. Ou à donner des noms écossais à quatre de ses enfants…
Scène tirée du Dernier Roi d'Ecosse
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[1] Oh, et la médaille suisse des moniteurs de ski.