Langues anciennes étouffées, langues vivantes déboussolées, programmes d’histoire contestés… Les esprits s’enflamment un brin sur la réforme du collège et plus largement sur l’Education nationale. Le sujet est d’autant plus bouillant que le modèle éducatif public, après avoir longtemps fait figure de pilote, pioche un tantinet à l’heure où les résultats des élèves montrent un recul constant dans les classements internationaux. Dernier épisode en date, une tribune de Manuel Valls publiée par Libération.
Avec son emphase habituelle, il écrit sans sourciller que « parmi les grandes avancées républicaines, il y a l’école. L’école laïque, gratuite et obligatoire ».
Outre qu’il n’y a rien de plus surréaliste que d’imaginer que l’école n’existait pas avant la République, c’est joli et ça ne coûte pas cher, mais c’est tout bonnement faux pour un tiers.
Et puisque cette vieille légende a la vie dure, écrivons-le une fois encore : l’école n’est PAS obligatoire en France.
Eh non. Ce n’est pas l’école qui est obligatoire, c’est l’instruction des enfants. Une finasserie ? Pas vraiment. Concrètement, cette nuance fait que rien n’empêche des parents d’éduquer leurs enfants sans passer par l’école communale et républicaine chère au Premier ministre. Et que par conséquent, l’école peut parfaitement être payante et confessionnelle. Et ce n’est ni Manuel Valls, ni l’État qui en décide, mais les parents, depuis… Eh bien depuis Jules Ferry, en fait. Qui n’a strictement, jamais, mais alors jamais songé à rendre l’école publique obligatoire.
Et d’une, il existe un enseignement privé, qu’il soit ou non confessionnel. Cet enseignement, qui n’est par définition pas gratuit et pas forcément laïc, accueille des enfants qui ne passent pas par l’école communale – 13 à 14 % de l’ensemble des élèves du primaire quand même, pas exactement une paille.
Et de deux, l’instruction peut parfaitement être assumée à la maison, que ce soit directement par les parents, par un professeur particulier ou via des cours par correspondance. C’est très exactement le sens de l’article L. 131-2 du Code de l’Education :
« L'instruction obligatoire peut être donnée soit dans les établissements ou écoles publics ou privés, soit dans les familles par les parents, ou l'un d'entre eux, ou toute personne de leur choix »
Et nul besoin d’être soi-même instituteur ou enseignant pour assumer chez soi, en famille ou via un percepteur/un maître privé l’éducation de ses enfants ; aucun diplôme particulier n’est demandé, aucun programme n’est imposé. Un simple courrier adressé au maire de la commune suffit. En revanche, l’Education nationale s’assure régulièrement que l’enfant reçoit bel et bien une instruction digne de ce nom dans le cercle familial. En France, on estime que 30 000 à 40 000 enfants sont ainsi éduqués en dehors du système scolaire.
Bref, la République n’a jamais rendu obligatoire une école laïque et gratuite qu’elle ne fait que proposer.