Abattu au-dessus de l’Ukraine et à quelques kilomètres de l’espace aérien russe, l’avion de ligne de la Malaysian Airlines et les 295 personnes qu’il transportait d’Amsterdam à Kuala Lumpur a semble-t-il été victime d’un tir de missile dont l’origine reste à déterminer – un fait rarissime, mais pas exceptionnel : ces 40 dernières années, trois autres vols civils au moins ont été victimes de tirs militaires.
21 février 1973 : le vol 114 de la Lybian Arab Airlines
Tripoli-Le Caire, via Benghazi : le vol 114 de la Lybian Arab Airlines est un classique dans la région, une routine pour le Boeing de la compagnie libyenne qui décolle en milieu de matinée, ce 21 février 1973. Mais le vol se passe mal : victime d’un problème matériel aggravé par des conditions météorologiques compliquées, l’avion de ligne se perd au-dessus de l’Egypte un peu avant 14 heures – et finit par survoler la péninsule du Sinaï, placée sous le contrôle sourcilleux des forces aériennes israéliennes.
Mauvaise idée, dans un contexte plus que tendu entre l’état hébreu et ses voisins – la guerre du Kippour commencera quelques mois plus tard, en octobre 1973. Deux minutes après l’entrée du Boeing dans l’espace aérien israélien, un duo de jets décolle à sa rencontre.
Les deux F4 de l’armée israélienne encadrent l’appareil égaré - qui se dirige tout droit vers Tel-Aviv - et cherchent à le forcer à atterrir. Coups de semonce, tentative de contacts visuels se succèdent… Mais les pilotes (un capitaine français et son copilote libyen) refusent d’obéir aux sommations. Une autre mauvaise idée, fatale celle-ci. L’appareil est aussitôt abattu par plusieurs tirs de missiles. 5 des 113 passagers seulement survivront au crash – dont le copilote, qui déclarera avoir ignoré volontairement les avertissements de la chasse israélienne.
Israël invoquera la défense de sa sécurité nationale pour justifier ce tir direct contre un avion de ligne civil. Il reste que confronté à un vaste mouvement de réprobation dans le monde, le ministre israélien de la défense, Moshe Dayan, finira par admettre « une erreur de jugement. »
1er septembre 1983 : le vol 007 Korean Air Lines
En ce mois de septembre 1983, alors que la guerre froide entre les Etats-Unis et l’URSS connaissent une novelle jeunesse, le Boeing 747 qui assure le vol 007 (oui…) de l Korean Airlines décolle de New York en direction de Séoul via une escale en Alaska. Le commandant de bord, un pilote expérimenté, connaît bien la route étroite qu’il doit suivre en longeant les côtes soviétiques à 300 km de distance pour éviter tout problème de violation de l’espace aérien russe.
Une route précise donc, et balisée par des points de repères précis dont le vol s’éloigne pourtant progressivement. L’avion se rapproche de plus en plus du Kamtchatka, le manque de peu et reprend sa route avant de franchir la ligne jaune en passant au-dessus de Sakhaline. Le pire endroit possible : l’ile est une zone militaire truffée de sous-marins russes… Deux Mig décollent immédiatement et tentent sans succès de contacter le pilote coréen. Les tirs de semonce ne donnent pas plus de résultats. L’avion de ligne semble hésiter à corriger sa trajectoire. A 18h24, le pilote russe Vassili Kazmin reçoit l’ordre d’abattre la cible. Son missile air-air atteint le Boeing sur une aile. L’avion, en pleine dépressurisation, descend en boucle et s’écrase en mer, à la limite des eaux territoriales soviétiques. 269 passagers et membres d’équipage trouvent la mort dans le crash, dont un député américain. Aucun survivant ne sera retrouvé.
Ronald Reegan, alors en pleine négociation avec les pays européens pour obtenir l’installation d’installer sur leur sol des missiles à longue portée accuse rapidement l’URSS d’avoir commis un « injustifiable acte de barbarie ». A Séoul, on brûle des drapeaux russes dans les rues. L’URSS, de son côté fait mine de ne rien avoir à se reprocher jusqu’au jour où les Etats-Unis produisent à l’ONU un enregistrement des voix du pilote du Mig et de son supérieur, au sol. Une bande obtenue on ne sait comment, mais qui prouve au monde entier que les soviétiques ont bien délibérément abattu un vol commercial civil. Les Soviétiques, eux, prétendent que l’avion civil, sous une apparence commerciale, était chargé par Washington d’une mission d’espionnage de ses bases de Sakhaline. Théories qualifiées bien évidemment de fantaisistes par l’administration Reagan.
3 juillet 1988 : le vol 655 d’Iran Air
Ironie de l’histoire, c’est au tour des Américains de se retrouver sur le grill 5 ans plus tard, à leur tour accusés d’avoir sciemment abattu un innocent vol commercial – le vol 655 d’Iran Air, en l’occurrence, parti le matin du 3 juillet 1988 de Téhéran pour assurer la liaison vers Dubaï en passant au-dessus du Golfe Persique.
La situation est plus que tendue dans la zone, en 1988. La guerre Iran-Irak fat rage et les navires américains présents dans le Golfe pour garantir la navigation des pétroliers se font régulièrement prendre pour cible par l’un ou l’autre des belligérants. D’où une légère paranoïa ambiante, d’où aussi la présence de l'USS Vincennes, un croiseur.
Le hasard voudra que le vol d’Iran Air passera au-dessus de l’USS Vincennes précisément au moment où ce dernier est sous le feu d’embarcations iraniennes. L’avion vole bas et ne suit pas exactement la route prévue. Les radars du croiseur ne parviennent pas à l’identifier – pire, ils le confondent avec un F-14. En quelques minutes, la décision de tirer est prise et le Vincennes lance soudain deux missiles – qui font mouche, à 20 km de là, et abat la totalité des passagers et de l’équipage – 290 morts, dont 66 enfants. Avant de réaliser son erreur, quelques minutes trop tard…