Retracer l’origine de la Saint-Valentin, c’est comme certains statuts Facebook : "c’est compliqué". Difficile de déterminer les origines d’une tradition aussi ancienne, d’autant qu’elle puise à une série de sources dont l’origine se perd dans la nuit des temps, laquelle est généralement sans lune. Rien n’empêche cependant de revenir sur quelques détails qui pourront toujours permettre de faire les malins pendant le repas de ce soir.
Une légende à l’origine douteuse
L’origine la plus connue de la légende est liée au règne (éphémère) de l’empereur romain Claude le Gothique, au IIIe siècle. Le souverain aurait défendu aux hommes de se marier : non seulement le mariage aurait, d’après cette tradition, permis aux hommes de couper au service militaire, mais Claude le Gothique aurait souhaité disposer d’une armée de militaires sans états d’âme, capables de partir au combat sans arrière-pensées du style « Ciel, je ne reverrai jamais mon aimée si je me fais rouler dessus par d’affreux barbares ».
Le fameux Valentin, un prêtre chrétien, aurait alors défié l’empereur en acceptant de marier en douce des militaires amoureux.
C’est joli, mais c’est surtout improbable. Non seulement la civilisation romaine a toujours accordé la plus grande importance au mariage et son interdiction paraît franchement fantaisiste, mais l’engagement dans la Légion était de toute façon basé sur le volontariat. Il n’y aurait guère eu d’intérêt à tenter de couper à un engagement non obligatoire, socialement valorisé et capable de vous garantir une carrière de 20 ans et une pension relativement honnête. Sans compter le plaisir simple de pouvoir enfoncer des tas de glaives dans des tas d'ennemis.
Trois Valentin pour le prix d’un
Ce qui complique la chose, c’est qu’il n’y a pas un, mais trois Valentin reconnus comme saints en 495 par le page Gélase 1er, tous trois associés à la date du 14 février : or, on ne sait à peu près rien d’eux de façon certaine, si ce n’est qu’ils sont tous mort sous le martyre.
Alors Valentin d’accord, mais lequel ? On a déjà parlé du Valentin de Rome, mais peut-être s’agit-il plutôt du Valentin de Terni, censé avoir guéri de sa cécité la propre fille de Claude le Gothique en 269. Lequel Claude aurait séance tenante fait décapiter le brave Valentin sans qu’on comprenne bien pour quelle raison. Peut-être même s’agit-il de Valentin de Rhétie, très célébré en Allemagne mais souvent représenté avec un enfant malade à ses pieds – le rapport ne saute pas aux yeux.
Vu la confusion ambiante, le Vatican en a lui-même tiré les conclusions en supprimant la Saint-Valentin du calendrier liturgique en 1969. La tradition demeure, mais les saints du jour sont Saint Cyrille et Saint Méthode.
La fête païenne d'origine était moins kitsch
Il semble bien que la Saint-Valentin soit une fois encore, sur le plan historique, le résultat de la christianisation d’une fête d’origine païenne : la mi-février était de longue date célébrée à Rome à l’occasion des Lupercales.
Ah, les Lupercales. Un rite de fertilité assez classique dans le principe, mais, disons, pittoresque dans la forme : les prêtres du dieu Faunus sacrifiaient un bouc à leur dieu dans la grotte du Lupercal, au pied du Palatin – la fameuse grotte où la louve romaine avait allaité Romulus et Rémus. Deux hommes jeunes, vêtus d'un simple pagne en peau de bouc tout à fait seyant, assistaient à la cérémonie. On leur touchait le front avec la lame du couteau sanglant avant de les expédier courir à travers tout Rome, armés de lanières taillées dans la peau de l’animal égorgé. Ils en fouettaient les femmes sur leur passage – des volontaires, rassurez-vous : celles qui souhaitaient avoir un enfant dans l’année.
Un rite de fécondité donc, bien plus qu’un rituel amoureux. Si l’envie vous prend ce soir de courir dans tous les sens en pagne dans les rues, un fouet en main, croyez-moi : vous êtes certains de faire une rencontre. Et vous aurez quelque chose à raconter aux policiers.