321 : Constantin interdit le travail du dimanche

Travailler ou pas ? Le débat est (re)lancé autour du vieux sujet du travail du dimanche. Jour du Seigneur cher à l’Eglise, acquis social né des luttes de la fin du 19e siècle, le dimanche chômé est une tradition qui ne date pas franchement d’hier. Et les enjeux étaient sensiblement les mêmes…

« Le jour vénérable du Soleil »

« Que tous les juges, que les habitants des villes, que les bureaux de toutes sortes se reposent le jour vénérable du Soleil. Toutefois, à la campagne, ceux qui cultivent les champs peuvent travailler librement, comme ils le veulent. En effet, il arrive souvent qu’on ne puisse pas semer le blé ou planter la vigne un autre jour, et que le beau temps, accordé un moment par la providence céleste, ne dure pas. Fait le 5 des nones de juillet, les Césars Crispus et Constantin étant consuls. »

Cet édit de juillet 321 – texte intégral, mais tout de même pas en latin – vieux de 17 siècles ou presque, est à ma connaissance la première interdiction légale du travail le dimanche en Occident. A noter que Constantin, maître chrétien d’un Empire encore largement peuplé de païens, se garde bien de justifier sa décision par les célébrations propres à une foi particulière : nous ne sommes pas encore passés du dies solis, jour du Soleil (le sun day anglais et le Sonntag allemand en portent toujours la trace), au dies dominicus, jour du Seigneur.

Et si l’empereur fait référence au soleil, c’est parce qu’il est sûr d’être compris de tous : païens et chrétiens accordent tous deux une attention particulière au dimanche. Constantin établit un jour de repos commun aux deux grands courants religieux de l’Empire : la religion païenne qui fêtait le dimanche Sol Invictus, le Soleil Invaincu, et la religion chrétienne qui célébrait le même jour la résurrection du Christ.

Principe et exceptions

Difficile de savoir si Constantin avait en tête un quelconque enjeu économique ou commercial en interdisant le travail du dimanche. Peut-être l’empereur s’est-il contenté de tirer les conséquences d’une situation de fait : compte tenu de l’importance de la religion dans le quotidien de la société romaine, bien des boutiques devaient déjà rester fermées. Preuve en est qu’il autorisera les soldats de sa propre garde personnelle à consacrer une partie du dimanche à leurs dieux respectifs.

Concrètement, l’édit de Constantin vise large : les litiges, les procès, le commerce, les fonctionnaires et jusqu’au travail des esclaves sont interdits. Toujours est-il qu’à ce principe général imposé à l’ensemble des citadins s’impose aussitôt une exception pragmatique, basé sur le constat que dans les campagnes, le travail n’attend pas et les conditions météo sont essentielles… Si la racine de l'édit est avant tout religieuse, c’est bel et bien un critère économique – assurer les récoltes – qui justifie les exceptions au principe général. S’il fait beau le dimanche, travaillez le dimanche parce que le lundi pourrait bien être pourri. C'est normal, c'est un lundi.

Rien de nouveau sous le (jour du) soleil, en somme.

Publié par jcpiot / Catégories : Actu