Cinq détails que vous ignoriez peut-être sur le Panthéon

Panthéon

Après Alexandre Dumas entré en 2002, après le refus de la famille d’Albert Camus et l’hommage rendu à Aimé Césaire, qui entrera au Panthéon ? Comme toujours, le débat fait rage et les rumeurs vont bon train au moment de choisir celle ou celui qui reposera à l’ombre de la fameuse devise « Aux grands hommes, la Patrie reconnaissante ». L’occasion de revenir sur l’histoire d’un lieu dont vous ne savez peut-être pas tout.

1C’est une église chrétienne

Et même une basilique, ce qui explique qu’une croix surplombe toujours la coupole aujourd’hui… Le Panthéon est situé sur la colline Sainte-Geneviève, du nom de la jeune femme qui dit-on, sauva Paris des Huns. Les reliques de la sainte y furent abritées dès 512, près de celles de Clovis et de Clotilde.

Le bâtiment actuel date du XVIIIe. En 1744, malade comme un chien, Louis XV jura ses grands dieux qu’il élèverait un temple à sainte Geneviève si elle avait la gentillesse de lui sauver la mise. Guéri après avoir manqué casser sa pipe, le roi confia à l’architecte Soufflot le soin de bâtir un lieu de culte majestueux sur la montagne dédiée à la sainte patronne de Paris. On pense ce qu’on veut du bâtiment néoclassique actuel qui en résulte – Soufflot pensait en toute modestie concurrencer Saint-Pierre de Rome -, mais sans fâcher personne, on peut estimer que le résultat final est légèrement en dessous de ses espérances.

De révolutions en restaurations successives, le lieu fut puis ne fut plus une église avant de l’être à nouveau – c’est un rien compliqué. Ce n’est que depuis 1885 que le Panthéon est définitivement le lieu où la République fait part de sa reconnaissance à ses grands hommes.

2On peut y entrer. On peut aussi s'en faire sortir

Reconnaissante, la patrie l’a été 75 fois. Il n’y a pourtant que 71 tombeaux dans la crypte, la plupart vides, d’ailleurs : à quatre reprises, on décida que les grands hommes ne l’étaient pas tant que ça. Le Peletier, un parlementaire assassiné d’un coup de sabre le jour même de de la mort de Louis XVI, n’y resta que deux ans. Dampierre, un général, en sortira dans les mêmes délais, soupçonné post mortem d’avoir été bien proche de trahir la nation.

Plus curieux, le premier à y entrer fut aussi le premier à en sortir : Mirabeau, héros des premiers mois de la Révolution française, y entre deux jours à peine après sa mort – record à battre - au cours d’une cérémonie nocturne impressionnante. Manque de pot, on découvre quelques mois plus tard que Mirabeau avait apporté ses conseils au roi et joué un drôle de jeu, entre chèvre et chou.

Le 21 septembre 1794, on sort donc par la petite porte le cercueil de Mirabeau du Panthéon, très exactement au moment où l'on y fait entrer par la grande celui de Marat.  « Que le vice, que l'imposture fuient du Panthéon. Le peuple y appelle celui qui ne se trompa jamais », tonne le peintre David dans son discours.

Il faut croire que le peuple avait dû se tromper un brin, lui, parce que Marat n’y traîna pas longtemps : soubresauts de la Révolution obligent, il en sort à son tour… moins de quatre mois plus tard – autre record à battre, plus humiliant.

Sous Louis XVIII, Voltaire faillit bien plier bagage à son tour : l’anticléricalisme du philosophe cadrait mal sous un bâtiment qui avait temporairement retrouvé son statut d’église catholique. C’est pourtant le roi lui-même qui trancha en faveur de Voltaire d’une phrase lapidaire : « Laissez-le donc, il est bien assez puni d'avoir à entendre la messe tous les jours. »

3Il est radioactif

Parfaitement. Ou il pourrait l’être si on n’avait pas pris certaines précautions. Lorsqu’on y transféra en 1995 les corps de Pierre et de Marie Curie, le cercueil de la scientifique aux deux prix Nobel dut être soigneusement plombé, tant les matières radioactives qu’elle avait manipulées toute sa vie sont encore actives.

4Le Soldat inconnu y est resté 10 minutes

Quelque temps après la guerre de 14-18, la France cherche un symbole du sacrifice inouï consenti par les Poilus - 1 315 000 morts, tout de même. L’idée d’honorer un soldat français non identifié fait son chemin. Reste à savoir où l’inhumer : c’est le poids des associations d’anciens combattants qui va priver de Panthéon la dépouille choisie en 1920. La plupart font valoir que l’ampleur du sacrifice consenti par les Poilus mérite un lieu à part et une tombe unique, plus que l’anonymat relatif de la crypte du Panthéon.

Voilà pourquoi le Soldat inconnu repose sous l’arc de Triomphe depuis le 28 janvier 1921, non sans que son cercueil posé sur un affût de canon ait brièvement pénétré sous la coupole, couvert d’un drapeau tricolore.

5On n'y trouve que deux femmes, et encore

C’est tout l’enjeu du débat actuel concernant l’identité des prochaines personnalités admises au Panthéon : rompre avec le fait incontestable que la patrie semble avoir une vision un tantinet restrictive de la notion de "grands hommes" puisque deux femmes seulement reposent au Panthéon – encore l’une des deux, Sophie Berthelot, y repose-t-elle non pour ses mérites mais pour respecter les volontés de son chimiste de mari, Marcellin Berthelot. Il faut dire qu’il l’aimait, sa Sophie : fou de chagrin, il ne lui survécut qu’une heure.

Lucie Aubrac, Olympe de Gouges, George Sand : autant de noms de femmes qui font parmi d'autres partie de la liste toujours très discutée des « panthéonisables » - avec une petite nouveauté cette année : le Centre des monuments nationaux offre aux internautes la possibilité de proposer les noms de celles et/ou ceux qui leur semblent mériter d’entrer au Panthéon, sur son site.

Le choix final, lui, relève du seul président de la République.

Publié par jcpiot / Catégories : Actu