Défilé sur les Champs-Elysées, prise de parole rituelle du Président, flonflons, pétards (en tous genres) et bal des pompiers : si tout le monde s'entend sur une chose, c'est que le 14 Juillet, la France célèbre avec sa fête nationale la prise de la Bastille, n'est-ce pas ? C'est un peu plus compliqué que ça.
Une tradition pas si ancienne
Ce n'est qu'en ...1880 que la date du 14 Juillet a fini par être retenue comme jour de la fête nationale. Soit plus de 90 ans après que la vieille prison de la Bastille, pour ainsi dire vide ou à peu près, ne tombe face à la foule des Parisiens le 14 juillet 1789, vers 17 heures, après quelques heures d'un siège qui fit une bonne centaine de morts chez les assiégeants tout de même. Chez les assiégés aussi d'ailleurs, beaucoup étant purement écharpés par la masse populaire, dans la confusion qui suit la reddition. Le gouverneur de la place, de Launay y laissera sa tête, découpée au canif par un jeune cuisinier qui s'y connaissait en découpe avant de finir au bout d'une pique avec quelques autres.
Bref, sanglant.
Autant dire que lorsque la République - toute jeune - se cherche en 1880 une date symbole d'unité, une date capable de mettre d'accord une Assemblée dont le sentiment républicain, après 90 ans d'Empires et de restauration, n'est pas forcément bien solide, la date du 14 Juillet proposée par le député Raspail fait réagir sur les bancs royalistes.
Des débats houleux
Les débats de mai 1880 sont animés : à Raspail et aux partisans de la date du 14 juillet qui concèdent "quelques actes déplorables", l'opposition a beau jeu de rappeler que la journée ne fut pas des plus calmes ni des plus propres à symboliser l'unité nationale. Des Français tuent d'autres Français, et ça ne fait que commencer. Le début d'une quasi guerre civile pour réunir le peuple autour de son drapeau - autre grand sujet - c'est pas glop, expliquent en substance les députés de la droite de l'époque.
La gauche va s'en tirer par un tour de passe-passe finalement amusant : si le 14 juillet 1789 est hors course, reste le 14 juillet... 1790.
Un an après la Bastille, le roi, sur le Champ-de-Mars, préside une immense fête devant les députés des 83 départements (oui, il y a eu de l'inflation) et le peuple rassemblés. Tous les grands noms sont là, c'est la concorde générale, la Révolution n'a pas encore basculé dans la Terreur et cette idée de monarchie constitutionnelle où le roi règne mais ne gouverne pas semble réunir les suffrages. La Fayette, en héros de la Nation, joue les maîtres de cérémonie devant 100 000 hommes et femmes réunis. Louis XVI, qui a encore toute sa tête, prête serment à la Nation et à la Loi.
Chacun voit le 14 Juillet à sa porte
Et voilà comment l'Assemblée et le Sénat finissent par tomber d'accord autour de cette date du 14 Juillet qui ménage les susceptibilités. Le 6 juillet 1880, "la République adopte le 14 juillet comme jour de fête nationale annuelle » - en prenant donc bien garde de ne pas présider de quelle année il est question... Autrement dit, à chacun de célébrer ce qu'il veut, Bastille ou Fédération, Révolution ou concorde nationale, république ou monarchie constitutionnelle.
Faux nez ? Sans doute : après tout la date retenue pour le grand raout du 14 juillet 1790 n'était pas tombée le jour de la prise de la Bastille par hasard...