En 2006, Paul Robert, principal de collège dans le Gard, s’est rendu en Finlande pour tenter de mieux comprendre les raisons de l’apparente réussite de son système éducatif. Au début des années 2000, la Finlande obtient en effet de très bons résultats aux évaluations internationales PISA, Program for International Student Assessment (différences entre filles et garçons beaucoup moins importantes que dans les autres pays évalués, moins de différences entre établissements, et impact plus faible des différences socio-économiques sur les performances)1. De cette visite, est né un ouvrage : La Finlande : un modèle éducatif pour la France ? : Les secrets de la réussite (ESF, 2010), ainsi qu’un rapport que vous pouvez consulter en cliquant ici.
Voici donc quelques exemples de la pédagogie finlandaise :
« Chaque élève est important »
La pédagogie est en effet individualisée le plus possible en respectant au mieux les rythmes d’apprentissages de chacun (les élèves ont jusqu’à 9 ans pour apprendre à lire, alors que les premières années sont dédiées à l’éveil des aptitudes, de la créativité et de la curiosité). Plutôt que d’imposer à tous les élèves un même système, l’éducation finlandaise tente donc au contraire de s’adapter à chaque élève, en tenant compte de sa singularité : « On ne peut forcer les élèves ; il faut leur donner des possibilités différentes d’apprendre, d’acquérir des compétences » (on rejoint ici la théorie de Bourdieu et Passeron sur la reproduction sociale, selon laquelle l’inégalité des chances viendrait paradoxalement du traitement égalitaire que l’école réserve aux élèves).
Une attention particulière est également donnée aux troubles des apprentissages qui sont détectés précocement et dont la prise en charge est ciblée.
Bien sûr, un tel système exige un taux d’encadrement important, avec des classes moins remplies (moyenne de 20 élèves par classe) permettant une plus grande disponibilité de la part des professeurs.
Un environnement motivant
La taille des établissements est limitée, les espaces de travail sont vastes et confortables, les conditions matérielles sont optimales, et des salles de repos sont aménagées pour que l’école devienne un lieu de vie respecté et motivant. Jusqu’à 16 ans, les cours sont également limités à 45 minutes et entrecoupés de temps de pause de 15 minutes.
Les relations entre enseignants et élèves sont aussi plus familières afin de rendre les professeurs plus accessibles.
Il existe bien sûr des sanctions, mais le seuil de tolérance des enseignants est plus élevé (« une élève tresse tranquillement un scoubidou sans s’attirer la moindre remarque: elle ne dérange personne et peut-être cette occupation lui permet-elle de mieux suivre le cours… Alors pourquoi s’en formaliser ? ».
Ainsi, en aimant leur école, les élèves sont d’autant plus motivés pour les apprentissages. On constate une liberté de mouvement des élèves associée à une grande décontraction (y compris vestimentaire), « n’excluant nullement une surprenante auto-discipline ».
« Des élèves actifs et impliqués »
À partir de l’âge de 13 ans, les élèves ont une grande liberté de choix pour organiser leur cursus. De nombreuses matières optionnelles sont en effet introduites, « les élèves peuvent ainsi construire peu à peu leur autonomie et développer un sens de la responsabilité par rapport à leur cursus ». À partir du lycée, l’élève construit entièrement son programme et la classe disparaît au profit de configurations différentes selon les cours choisis. Cette autonomie précoce des élèves permet notamment de mieux les préparer aux études supérieures.
Qu’en est-il de l’évaluation des élèves ?
L’évaluation des élèves est un sujet d’actualité. En Finlande, jusqu’à 11 ans, les élèves ne sont pas notés (excepté une évaluation non chiffrée à l’âge de 9 ans). « La Finlande a fait le choix de faire confiance à la curiosité et à la soif naturelle d’apprendre des enfants », et de ne pas utiliser la norme académique comme moyen de pression.
Après 13 ans, il existe des notes chiffrées allant de 4 à 10 (le 0 est proscrit : le système finlandais considère en effet qu’il n’y a pas d’intérêt à construire une « échelle de l’ignorance », mais qu’il est plus utile de distinguer des « niveaux de perfectibilité ». Cette échelle est ensuite conservée au lycée, mais les évaluations sont plus soutenues.
« La pratique de l’évaluation semble donc guidée en Finlande par le souci de ne pénaliser personne et de toujours laisser sa chance à l’élève, en valorisant plutôt ce qui est su que ce qui n’est pas su ». « Ce qui est important, c’est que les élèves aient le sentiment d’être bons dans quelque chose. » (M. Hannu Naumanen, principal du collège Pielisjoki).
« Des professeurs experts »
« La profession d’enseignant jouit encore en Finlande d’un réel prestige dans la société. Cela ne tient pas tant à la rémunération - qui se situe dans la moyenne des pays de l’OCDE - qu’à l’importance qu’attache le pays à son éducation ».
La motivation des enseignants finlandais tourne en effet autour l’enfant, sa compréhension et ses besoins (en comparaison, la motivation des enseignants français est plus orientée vers la discipline enseignée). Ainsi, le système éducatif finlandais exige que ses professeurs soient titulaires d’un master de sciences de l’éducation, tout en passant du temps en situations d’enseignement réelles. « Après leurs études, les professeurs gardent un contact étroit avec l’université. Leur niveau de formation et leur expertise en pédagogie en fait de droit des membres associés ».
De plus, les enseignements considèrent qu’avoir des relations avec les familles en dehors du cadre scolaire fait partie de leur travail.
Alors un tel modèle pourrait-il s’exporter en France ? C’est la question à laquelle tente de répondre Paul Robert dans son édifiant rapport…
1. Ces dernières années, les résultats de la Finlande dans le classement Pisa ont cependant connu une baisse importante.