L'hypocondrie selon Dany Boon

Supercondriaque

Je suis allé au cinéma voir le dernier film de Dany Boon, Supercondriaque.

Le pitch : Dany Boon joue le rôle d'un homme célibataire atteint d'un trouble hypocondriaque qui rend son quotidien invivable. Son médecin généraliste, interprété par Kad Merad, pense que le remède contre cette phobie des maladies est de lui trouver une compagne. Débute alors la quête d'un amour qui l'aidera peut-être à surmonter sa phobie...

J'étais curieux de savoir comment le réalisateur allait traiter ce sujet, et si l'histoire racontée dans ce film était crédible au regard de ce que la psychiatrie nomme "hypocondrie".

Selon un sondage Ifop, 32% des personnes interrogées disent avoir peur d'être atteintes d'une maladie, ou d'être en train d'en développer une, lorsque certains symptômes les inquiètent. 13% s'angoissent même en l'absence de tout symptôme.

Petits rappels sur l'hypocondrie :

L'ancienne classification américaine des troubles mentaux (le DSM 4) considère l'hypocondrie comme une préoccupation centrée sur la crainte ou l'idée d'être atteint d'une maladie grave, fondée sur l'interprétation erronée par le sujet de symptômes physiques. Cette préoccupation doit persister malgré un bilan médical rassurant. Pour faire le diagnostic, il est également nécessaire que la préoccupation dure au moins 6 mois et qu'elle soit à l'origine d'une souffrance significative ou d'une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines importants.

Selon ces critères de diagnostic, le symptôme doit donc rester inexpliqué médicalement. Le problème, c'est que de nombreux troubles dont l'explication médicale est aujourd'hui connue ont été considérés dans le passé comme un trouble mental, et encore aujourd'hui des personnes atteintes de maladies incomprises subissent le même sort. C'est pourquoi, dans la dernière version de la classification américaine des troubles mentaux (le DSM 5) paru il y a moins d'un an, le trouble hypocondriaque n'apparait plus. Ce terme a été remplacé par celui de trouble de symptôme somatique. Au-delà d'un changement de nom, le trouble peut donc désormais concerner les personnes dont les symptômes ont une origine médicale réelle. Ainsi, si le patient a des préoccupations «inadaptées» à propos des symptômes de son diabète, si sa santé l’angoisse trop ou s’il y consacre trop de temps, pendant au moins six mois, les praticiens pourront poser le diagnostic de trouble de symptôme somatique.

Donc les symptômes peuvent ou ne pas être associés à un réel problème médical. Mais l'important, pour valider le diagnostic, est qu'ils doivent être accompagnés par des pensées, sentiments et comportements excessifs. Cette modification des critères est d'ailleurs un sujet de polémique entre les praticiens.

Pour ceux qui ont vu le film de Dany Boon, on voit donc bien que son héros est sujet à cette préoccupation maladive : il s’inquiète et consulte son médecin à la moindre douleur qu’il interprète comme le symptôme d’une maladie grave.

Pour bien comprendre cette préoccupation exagérée éprouvée par les personnes hypocondriaques, il est important de savoir également qu'il s'agit d'un trouble de nature anxieuse qui se rapproche du trouble obsessionnel-compulsif (ou TOC) : la crainte de la maladie est une obsession que le patient cherche à soulager en ayant des comportements compulsifs qui consistent par exemple à faire régulièrement des bilans sanguins ou des scanners. Pour le dire autrement, la personne hypocondriaque  cherche constamment à se rassurer quant à sa crainte d’être malade.

C'est pourquoi il n'est pas rare de voir chez ces patients des comportements ritualisés tels que des lavages excessifs pour prévenir une invasion microbienne par exemple. Dans ce cas, un diagnostic supplémentaire de trouble obsessionnel-compulsif peut être posé.

C'est ce trouble associé, le TOC qui est le plus mis en avant dans le film de Dany Boon. Le héros vie en effet dans un environnement aseptisé, il refuse d'embrasser les autres, prend le métro en veillant à ne rien toucher, s'asperge de solution hydro-alcoolique après chaque contact humain, ne touche pas les magazines dans la salle d'attente de son médecin, etc. L'angoisse est telle qu'il perd connaissance le soir du nouvel an, à minuit, lorsque tout le monde s'approche de lui pour lui faire la bise. Même si tous ces comportements d'évitement ne sont pas représentatifs de l’hypocondrie, ils sont d'un grand ressort comique et servent donc le film.

Je ne vous dévoilerais pas la fin du film, mais je dois reconnaitre qu'elle propose une illustration tout à fait crédible des principes thérapeutiques utilisés pour soulager ce type de trouble...