Les députés entament ce mardi 29 janvier l’examen du projet de loi qui débouchera, après une très longue bataille d’amendements, sur la reconnaissance du « mariage homosexuel ». Ce ne sera pas, comme l’avait dit un jour bien légèrement la Garde des Sceaux Christiane Taubira, une « changement de civilisation», mais c’est incontestablement une réforme de société importante.
1 Un non massif aux « mères porteuses »
La réforme déchaîne les passions et provoque de violents affrontements : le gouvernement est, en effet, accusé (ou suspecté) de vouloir, dans la foulée du « mariage pour tous », faire adopter par les députés l’extension de la PMA (procréation médicalement assistée) aux couples de lesbiennes. Sans compter que la droite n’en doute pas: viendrait ensuite, conformément aux vœux de l’association LGBT (Lesbiennes-Gay-Bi-Trans) appuyée par les Verts et une partie du PS, le principe de la GPA (gestation pour autrui). Autrement dit, des « mères porteuses » pour les couples d’hommes désireux d’avoir un enfant. Déjà, des voix isolées mais marquantes -telle celle de Pierre Bergé- se font entendre en ce sens.
2 Les interrogations du chef de l’Etat
François Hollande –très partagé à titre personnel sur l’ensemble de ce dossier- a choisi, juste avant l’ouverture du débat parlementaire, de calmer les passions. Les députés –qui seront libres de leur vote à droite, mais pas au PS- sont invités à adopter le principe du « mariage pour tous ». Qu’on se le dise : la GPA, elle, n’est pas à l’ordre du jour. Enfin, s’agissant de la PMA, l’Elysée, qui vient de saisir le Comité national d’éthique, est décidé, semble-t-il, à… gagner du temps. Si le texte de ce second projet de loi devrait être soumis fin mars au Conseil des ministres, il ne serait pas transmis au Parlement avant…un bon moment.
3 L’émergence-surprise de Frigide Barjot
Les opposants ont, ces dernières semaines, marqué des points mais ils hésitent, aujourd’hui, sur la stratégie à suivre. Leur premier succès: la réussite spectaculaire de la grande manifestation nationale du 13 janvier, sans débordements homophobes, avec une foule plus diverse que prévu, où l’Eglise n’apparaissait pas omniprésente. Second succès : l’ « invention » de l’inclassable Frigide Barjot comme porte-parole du mouvement. Personne ne s’attendait, en effet, à l’émergence de cette « catho » du « troisième type », championne de la com et amoureuse des caméras. Troisième succès des opposants : à défaut d’avoir imposé leur idée de référendum, ils sont parvenus, au-delà du mariage homosexuel en tant que tel, à imposer un débat de fond sur les diverses formes de filiation qui surgiraient des réformes prévues ou envisagées. En plus, les opposants ont surfé avec une certaine efficacité sur l’idée que, quand la crise est là, ce n’est pas le meilleur moment pour bousculer les « repères » des Français qu’angoisse l’avenir. Une urgence, disent-ils: le statu-quo!
4 Le oui des 18-25 ans au « mariage pour tous »
Il n’empêche: la droite, aujourd’hui, hésite. Dès lors que le gouvernement a finalement dissocié le dossier du mariage homosexuel et celui de la PMA (renvoyé à un débat ultérieur), les opposants sont gênés car une majorité de Français –c’est évident depuis le début- sont, avec des degrés variables d’adhésion, acquis, au nom de « l’égalité », à l’idée de ce type nouveau de mariage. Chez les 18-25 ans, assez libertaires et très sensibles à l’idée d’égalité, l’adhésion est même très forte. Certes, la droite essaie de s’en sortir en réclamant à François Hollande un référendum sur l’ensemble des questions explicitement ou implicitement posées. Mais puisqu’il n’aura pas lieu, comment doit-elle s’y prendre ?
5 Une opposition menacée de division
La majorité des opposants seraient prêts, au fond, à dire oui au mariage pour tous quitte à reprendre aussitôt la bagarre sur la PMA et, plus encore, sur la GPA. Mais une fraction de la droite ne veut ni du mariage ni de la PMA ni de la GPA. En clair, si Hollande fait en sorte que les hyper-laïcs et les ultras du mouvement homosexuel cessent leurs surenchères et se contentent d’engranger les résultats d’un premier combat gagné, il peut parvenir, au terme des débats à l’Assemblée, à ce qu’il espérait au départ: une droite divisée qui, un jour, pourrait se mordre les doigts d’avoir, comme lors du PACS, dit non à une réforme jugée par beaucoup positive, en tout cas inévitable. Une droite qui se « consolerait » alors avec une évidence : c’est sur le chômage -et pas sur le « mariage pour tous »- que les Français jugeront, le jour venu, le quinquennat Hollande.