"Tout ça pour ça"... Alors que Jean-François Copé et François Fillon sont sur le point – sauf coup de théâtre – de parvenir à un accord mettant fin au laborieux et parfois grotesque feuilleton UMP, comment ne pas se demander si les deux hommes n'auraient pas pu épargner tout cela aux Français ?
Il y aura donc dès septembre une nouvelle élection d'un président de l'UMP. Une élection cadrée, surveillée, indiscutable cette fois et surtout plus ouverte puisque le nombre des parrainages requis pour être candidat sera abaissé. A l'issue de ce compromis qui doit beaucoup à l'habileté de l'ancien Premier ministre Jean-Pierre Raffarin (en passe, à droite, de détrôner Alain Juppé dans le rôle du "sage"), les cartes vont donc être redistribuées. Tout indique que Copé sera à nouveau candidat. Mais Fillon ? Mystère. Et, après l'écœurement éprouvé par tant d'électeurs de droite, de quel poids pèseront, le jour venu, les outsiders (Nathalie Kosciusko-Morizet, Bruno Le Maire et ceux qui avancent encore masqués) ? Malheur, en tout cas, à celui (ou celle) qui remettrait dans le chaudron UMP de la confusion : il aurait aussitôt la tête coupée.
Alors, oui, on est tenté de dire : tout ça pour ça ! En fait, c'est plus compliqué. Ce qui vient de se jouer à droite, c'est un épisode-clé de l'après-Sarkozy. Un épisode qui aurait pu prendre d'autres formes mais qui était inévitable. Deux hommes se sont détachés du peloton et ont manifesté clairement (et même brutalement) que la "page Sarkozy" devait être tournée. Ils estiment l'un comme l'autre avoir les qualités pour représenter la droite dans la compétition de 2017, et la faire gagner. En ce sens, l'accord auquel ils viennent de parvenir n'est qu'une "paix de braves". Deux hommes, c'est, en effet, un de trop. Mais outre qu'à continuer la bagarre ils se "suicidaient" ensemble, ils ont la satisfaction – pour l'heure – d'avoir creusé l'écart avec leurs poursuivants. Ce sera, pensent-ils, l'un ou l'autre. Pas un autre.
Fillon a durci le ton, Copé a confirmé sa pugnacité
François Fillon, qui a l'oreille d'une majorité des élus, a affiché ouvertement ses ambitions. Il a tordu le cou à l'idée qu'il serait un "mou", en tout cas un velléitaire. L'héritier de Philippe Séguin a, ces dernières semaines, durci le ton pour ne pas apparaître – horreur ! – comme un "centriste" ou, pire, comme un nouveau Balladur. Les coups que Copé et lui se sont portés ont ébréché, certes, son image d'homme d'Etat, mais il a la force d'un Premier ministre qui a tenu la barre pendant cinq ans. Et, le premier, dénoncé "un Etat en faillite".
Le chiraquien Jean-François Copé – qui sort… vivant d'une campagne de presse et de rumeurs inouïe où on l'a carrément présenté comme "le voyou de la République" et le clone de Marine Le Pen – a confirmé sa pugnacité, conforté sa légitimité militante et pris en compte le premier la peu discutable droitisation d'une société en crise. Episode significatif : dans la législative partielle qui a eu lieu dimanche dans le Val-de-Marne, il a vu un dissident UMP "copéiste", revendiquant l'étiquette "droite décomplexée", battre un ex-UMP passé chez… Jean-Louis Borloo.
Sarkozy jouera sa carte, au sein ou hors de l'UMP
Il y aura en 2016 une primaire pour désigner "le" candidat de la droite à la future présidentielle : Copé, Fillon ou un autre. Il reste tout de même une inconnue, et de taille : et Nicolas Sarkozy ? Qui peut croire que l'homme qui a assisté dimanche soir au Parc des Princes à la victoire de ses amis du Qatar serait désormais un retraité de la politique ? L'ex-chef de l'Etat a tenté un moment de se mêler de la bagarre Fillon-Copé. Il a vite compris qu'il ne serait pas suivi, et qu'il n'y avait donc que des coups à prendre. Il sait maintenant, au-delà des mots, que Copé comme Fillon sont dans "l'après" : l'après-Sarkozy. Il en a pris acte. C'est tout. Au sein de l'UMP ou hors de l'UMP – pour peu que l'opinion, ayant revisité son jugement sur le quinquennat précédent, s'intéresse à lui –, il jouera donc sa carte. A fond comme d'habitude.
Après avoir frisé le ridicule, Copé et Fillon ont donc aujourd'hui d'autant plus de raisons de trouver entre eux un compromis que Sarkozy n'est pas loin. Un Sarkozy dans l'ombre, mais qui n'a pas dit son dernier mot.