Bistrot année trente, le Bélisaire est un de ces endroits où l’on sait, dès le seuil franchi, que tout ira bien. Un de ces lieux où le ronronnement de la salle vous informe - mieux qu’un guide - sur le plaisir de la clientèle, où les cliquetis bien huilés de la cambuse signalent la maîtrise sereine de l’équipe aux manettes.
Il est un peu planqué dans un recoin du XVème arrondissement, le Bélisaire, avec un côté “Vivons heureux, vivons cachés : ceux qui aiment le bon, le sincèrement canaille, sauront nous trouver !” Pas faux, les habitués sont aussi fidèles que les membres d’une confrérie secrète. Ils ne manqueraient pour rien au monde une nouvelle recette de Matthieu Garrel, le patron ; un vrai, à l’ancienne. Il règne sur la salle et la cuisine comme un pacha de marine royale sur le pont d’un bateau, un anneau d’or accroché à l’oreille genre flibuste bretonne, époque Surcouf. D’ailleurs, Garrel est de Loudéac, chapeau rond pur feutre !
Comme nombre de ses compatriotes, il est venu à la capitale pour parfaire des études de cuisine, puis s’en est retourné sur son granit natal, à Plancoët aux côtés de Jean-Pierre Crouzil, fameux cuisinier. Il reviendra à Paris où Gérard Besson devient son mentor. On retrouve aujourd’hui au Bélisaire, le même amour du beau produit qu’affichait en son temps Gérard Besson au “Coq héron”. Poissons splendides et nobles, turbot, rougets, langoustines du Guilvinec, homard, breton cela va de soi... Belles volailles, gibiers en saison et truffes du domaine... Matthieu Garrel est propriétaire d’une truffière dans l’Hérault, alors de janvier à mars, les pépites qui farcissent ses pâtés, qui parfument ses sauces sont de connaissance.
Cette cuisine venue sans détours du marché n’est cependant pas dénuée d’un vrai sens de l’originalité. Matthieu Garrel a de la personnalité, il n’hésite pas à s’aventurer là ou beaucoup renonce, l’esprit pionnier breton sans aucun doute. C’est ainsi qu’il marie foie gras poêlé et coques, servis avec les légumes d’un couscous arrosés d’un jus mêlé de l’eau de cuisson des coquillages parfumé de ras el hanout. Hardiesse encore avec des huîtres de Marennes tièdes, magnifiquement habillées d’un sabayon mousseux malicieusement acidulé par des grains de pamplemousse rose. Hardiesse toujours avec un saumon “à sa façon” en trois cuissons, un plat élaboré chez Gérard Besson et qui est toujours un bijou du Bélisaire. Le filet de saumon est mariné, puis confit et finalement snaké, baigné d’une belle hollandaise et, filouterie du chef, accompagné de tranchettes de fromages de chèvre frais. Jolies entourloupes gourmandes d’un homme qui connaît sa carte des saveurs sur le bout des doigts. Garrel tient solidement la barre, laissez-le choisir le cap, vous verrez du pays !
Adresse : Le Bélisaire - 2, rue Marmontel - 75015 Paris - Tél. : 01 48 28 62 24. Ouverture : du Lundi au Samedi (sauf samedi midi) de 12h à 14h et de 20h à 22H30. Entrée/plat 25€, entrée/plat/dessert 28 € - Menu surprise (5 plats) 43 €.