Voici mon dernier papier sur ce blog de correspondant de France 2 à Jérusalem. je le publie également sur le nouveau blog que je suis en train de mettre en place sur charlesenderlin.wordpress.com
Il y a trois décennies, en débutant sa carrière politique, Benjamin Netanyahu s’est fixé deux objectifs. Empêcher la création d’un état palestinien. Neutraliser ou détruire l’influence de la gauche israélienne.. Il était armé de la solide idéologie familiale développée par son père, le professeur Benzion Netanyahu qui, jusqu’à son décès en 2012, à l’âge de 102 ans, en a défini les lignes de force. La première étant l’impossibilité de conclure la paix.
Le 2 avril 2009, cet universitaire a déclaré au quotidien Maariv : « La solution à deux États n’a aucune pertinence. Il n’y a pas ici deux peuples. Il y a le peuple juif d’un côté, une population arabe, de l’autre. Il n’y a pas de peuple palestinien, et on ne crée pas un État au profit d’une nation imaginaire. Ils ne se considèrent comme un peuple que pour combattre les Juifs. […] Les Juifs et les Arabes sont comme deux boucs qui s’affrontent sur un pont étroit. L’un d’entre eux finira dans la rivière, en danger mortel. Le plus fort obligera l’autre à sauter. Et je crois que la force juive vaincra. »
La conspiration Olp
Son fils, Benjamin traduit cela en termes politiques dans son livre (Makom Tahat Ha Shemesh) publié en 1995: « Certains pays arabes ont réalisé qu’ils ne parviendront pas à détruire Israël dans ses frontières élargies et donc ont accepté de fait l’existence d’Israël. Mais, en parallèle une conception différente a vu le jour chez certains Arabes. […] S’il n’est pas possible de détruire Israël dans ses frontières actuelles, il faudra le ramener aux frontières étroites d’avant la guerre de Six jours, puis l’attaquer par le terrorisme et la violence ». L’OLP aurait la mission de « réduire » Israël par la négociation. Et, le 16 mars dernier, en pleine campagne électorale, il a lancé : « Toute personne qui œuvre pour créer un état palestinien et évacuer des territoires, les offre à l’Islam radical pour attaquer Israël. » et d’ajouter : « la gauche s’est caché la tête dans le sable et ne veut pas le voir. mais, nous sommes réalistes… » Car, selon la vision de son père Benzion : « Une des choses les plus graves chez nous, en Israël, c’est la croyance gauchiste que les Arabes ont renoncé à leur détermination à nous détruire. » ( En 1998 au quotidien Haaretz, republié le 30.4.2012)
Israël Munich et la Tchécoslovaquie
Benjamin Netanyahu, friand de comparaisons historiques explique dans son ouvrage « A Place Among the Nations » que la situation ressemble à celle qui prévalait à la veille de la seconde guerre mondiale. Israël, c’est la Tchécoslovaquie. Les Palestiniens sont les allemands du Sudetenland, que la propagande nazie présentait comme une minorité opprimée. Face aux menaces guerrières d’Hitler et pour éviter un conflit, Chamberlain et Dalladier ont signé l’accord de Munich, devenu le symbole de la lâcheté occidentale face au nazisme. Le message est clair : les nations capitulent face aux palestiniens et au monde arabe
Après la signature des accords d’Oslo en septembre 1993, au cours du débat à la Knesset, Benjamin Netanyahu a lancé à Shimon Pérès : «Vous êtes bien pire que Chamberlain qui avait porté atteinte à la sécurité et à la liberté d’une autre nation. Vous, vous l’avez fait au détriment de votre propre peuple. » C’était le thème de la droite : « L’accord avec l’OLP est un nouveau Munich. » Arafat serait donc un nouvel Hitler.
La suite est connue. L’assassinat d’Yitzhak Rabin par un jeune extrêmiste religieux en novembre 1995, l’élection de Netanyahu l’année suivante, la relance de la colonisation. La seconde Intifada débutée sous Ehoud Barak, les attentats suicides du Hamas lorsqu’Ariel Sharon était Premier ministre. L’échec du processus de paix d’Oslo. Aujourd’hui avec près de 400000 israéliens habitants la Cisjordanie et l’impossibilité d’aboutir à un accord sur Jérusalem Est et les lieux saints, la création d’un état palestinien indépendant et viable paraît pratiquement improbable.
La communication de la droite a réussi : Selon les sondages du « Peace Index » de l’Institut israélien pour la démocratie, plus des deux tiers des Israéliens juifs répondent oui aux questions « êtes vous certain ou pensez vous que le monde est contre nous ? »
Les ONG
Le discours de la gauche israélienne en faveur d’une solution à deux états est devenu inaudible, à l’intérieur et à l’étranger. En raison de la collusion des travaillistes qui ont participé à des gouvernements de droite, ceux de Sharon et de Netanyahu. En raison aussi de son soutien à des opérations militaires justifiées ou non. Reste la gauche non sioniste ou, sioniste jusqu’à la ligne verte, c’est à dire opposée à la colonisation. Ces diverses ONG de défense des droits l’homme font l’objet de campagnes incessantes lancées par la droite pour les déclarer anti-patriotiques, ennemies de l’Etat, et les priver de financement. L’Europe, la France, les soutiennent à peine. Plusieurs d’entre elles, sont en train de disparaître. Par exemple « Keshev » qui combat la propagande et la désinformation dans les médias israéliens ou IPCRI, le centre d’information israélo-palestinien.
Le boycott
Là se pose le problème du boycott mené par BDS dont le discours est souvent dirigé contre l’ensemble de la population israélienne. Pour le vieux combattant de la paix, Ouri Avneri : « Il y a une énorme différence entre appeler au boycott de l’Etat d’Israël et à celui des produits fabriqués dans les colonies. Je suis personnellement contre un boycott de l’Etat d’Israël, parce qu’il ne ferait que précipiter la population israélienne dans les bras des colons et renforcerait l’extrême-droite. C’est la mauvaise politique parce qu’elle brouillerait le message. Il est très important de faire la différence entre la population israélienne dans son ensemble et les colons »: (http://info.arte.tv/fr/boycott-desinvestissement-et-sanctions#sthash.UECjTxLC.dpuf) Des chanteurs, comme Achinoam Nini et Yonathan Geffen, sont attaqués par la droite en Israël et à l’étranger par des militants BDS. Le boycott d’universités et d’artistes israéliens où se trouvent la plupart des opposants à la politique de colonisation est contre-productive et renforce l’argument de la droite au pouvoir : « Cela n’a rien à voir avec les implantations, c’est dirigé contre le pays tout entier. » Et donc, réduit encore l’influence de la gauche opposée à l’occupation au sein de la population israélienne.
Signe des temps, Benjamin Netanyahu qui a conservé le portefeuille des Affaires étrangères a nommé au poste d’ambassadeur aux Nations Unies, Danny Danon, l’actuel ministre de la Science, dirigeant du Likoud, féroce opposant à la solution à deux états, critique virulent de Barak Obama et proche de Rick Perry le très républicain gouverneur du Texas. A Rome, ce sera l’italo-israélienne Fiamma Nirenstein, qui occupera l’ambassade d’Israël à Rome. Membre du parti de Silvio Berlusconi, ancienne députée au parlement italien, elle milite en Israël au sein du Likoud dont elle partage l’idéologie.
La diplomatie israélienne va désormais parler clairement le langage de l’annexion de fait.