Je reprends mon blog en raison de l'importance des événements en cours.
Les États-Unis, autrefois tout puissants au Proche-Orient, perdent, au fil des semaines, leur influence sur les événements dans la région. Rien ne va plus entre leurs principaux alliés, Israël, la Turquie, Égypte et l’autorité palestinienne.
Cet effondrement de la diplomatie américaine a débuté avec l’affaire de l’abordage, en mai 2010, par des commandos israéliens de la flottille et surtout du ferry turc, le Mavi Marmara, au cours duquel neuf passagers ont trouvé la mort. Depuis, les relations entre les deux pays ne cessent de se détériorer. A la demande du gouvernement turc, Ban Ki-Moon, le secrétaire général de l’ONU forme, le 2 août 2010, une commission de quatre membres chargée d’enquêter sur ce dossier. Elle est présidée par Geoffrey Palmer, un ancien Premier ministre néo-zélandais. Le vice président est Alvaro Aribe, président sortant de Colombie. En font partie également, l’israélien Joseph Ciechanover, un juriste ancien des Affaires étrangères et de la Défense; aussi le turc Süleyman Özdem Sanberk, le directeur général des Affaires étrangères à Ankara. En juillet 2011, les turcs réalisent que les choses ne se passent pas comme ils l’espèrent. Palmer et Aribe considèrent que les torts sont largement partagés. Surtout, ils estiment que le blocus de Gaza par la marine israélienne est parfaitement légal selon le droit international et relèvent que les militants de l’ONG turque, « IHH » qui se trouvaient sur le Mavi Marmara sont soupçonnés de soutenir le Hamas palestinien « que de nombreux états classent comme une organisation terroriste […] les militants de la flottille ont agi de façon imprudente en essayant de forcer le blocus naval ». Pour Palmer et Aribe : « l'usage de la force [pour aborder les bateaux dont le ferry] était nécessaire à des fins de légitime défense » Mais, ils ajoutent : « La décision d'Israël de prendre le contrôle des bateaux avec une telle force à grande distance de la zone du blocus et sans mise en garde préalable était excessive et déraisonnable. […] les pertes de vie et les blessures résultant de l'usage de la force par les forces israéliennes lors de la prise de contrôle du Mavi Marmara étaient inacceptables »
Après une série de crises, sous la houlette de diplomates américains venus à Genève où se déroulent les discussions, Ciechanover et Sanberk négocient pour éviter la publication du rapport Palmer et les critiques qu’il contient envers les organisateurs turcs de la flottille tout en accordant une bénédiction onusienne au blocus de Gaza. Il s’agit aussi de rétablir les relations entre les deux pays, au bord de la rupture. Un accord est finalement conclu. Le gouvernement israélien va payer des dédommagements aux familles des victimes et publier des excuses comme l’exige Recep Tayyp Erdogan, le très islamique premier ministre turc. Mais tout le monde sauve la face. Selon le texte négocié, à la virgule près, Israël ne s’excuse pas pour l’ensemble de l’opération de ses commandos marins mais pour les erreurs et fautes opérationnelles commises par ses militaires. C’est suffisant pour calmer les turcs. Pour la presse israélienne, dans son ensemble, c’est une excuse en bonne et due forme, ce qui est faux.
Ciechanover rentre à Jérusalem où son succès diplomatique n’a pas l’air de plaire à Benjamin Netanyahu. Les américains interviennent et demandent des explications au Premier ministre israélien qui leur répond : « Je ne peux pas signer ce texte car Avigdor Lieberman le rejette et risque de faire éclater ma coalition en démissionnant ». Les diplomates se précipitent aux Affaires étrangères chez Lieberman qui leur répète n’avoir aucune intention de faire tomber le gouvernement. Retour à la Présidence du conseil. Cette fois Netanyahu explique à ses interlocuteurs qu’il ne pourra accepter l’accord avec les turques que dans six mois (???). Ciechanover ne s’avoue pas battu et demande au Président Shimon Pérès d’intercéder auprès du chef du gouvernement. En vain. Nahoum Barnea, le célèbre éditorialiste de Yediot Aharonot, raconte que tous les patrons des services de renseignement israéliens, y compris le très à droite, général de réserve Yaacov Amidror, qui dirige le conseil national de sécurité à la présidence du conseil, étaient en faveur de l’accord . Résultat : le 2 septembre, Erdogan pique une colère, expulse l’ambassadeur d’Israël à Ankara et ramène les relations entre les deux pays au rang de deuxième secrétaire d’ambassade. Avec lui, partent l’attaché militaire et le représentant du Mossad. Les contrats entre les industries militaires des deux pays sont suspendus. Et ce n’est qu’un début, même si, pour l’heure, les relations commerciales privées ne sont pas rompues. L’administration Obama vient de subir un échec majeur et montre qu’elle n’a pas été capable d’empêcher la détérioration catastrophique des relations entre ses deux principaux alliés, Israël et la Turquie, pourtant membre de l’Otan. La Turquie a été le premier état musulman à reconnaître Israël en 1949.
Le tout sur fond de printemps arabe. En Israël, ces dernières semaines, le département de la recherche du ministère des Affaires étrangères, le Mossad, le Shin Beth et les renseignements militaires ont fait parvenir à l’échelon politique des analyses selon lesquelles un processus de négociations avec les palestiniens pour faire baisser la tension dans la région et réduire l’animosité envers Israël. Selon Haaretz, le ministre de la défense, Ehud Barak a déclaré qu’en « l’absence de processus de paix, Israël risque d’être perçue par ses amis en Occident comme étant responsable de l’impasse politique »
Pour ces experts israéliens la relance du processus de paix avec l’autorité palestinienne est cardinale et pourrait changer l’attitude d’au moins une partie de la rue arabe envers Israël. Par exemple en Égypte où les mouvements de la jeunesse révolutionnaire ainsi que la plupart des partis politiques ont condamné la mise à sac de l’ambassade d’Israël. Une attaque à laquelle les islamistes n’ont pas participé et que certains ont même condamné. L’ambassadeur d’Israël et la plupart des israéliens résidant au Caire ont du être évacués vers Tel Aviv dans l’urgence alors que des commandos égyptiens ont réussi, à la dernière minute à éviter le lynchage de six gardes de sécurité assiégés dans l’immeuble. A l’heure actuelle, Israël n’est représenté au Caire que par l’adjoint de l’ambassadeur entouré de quelques gardes du corps. Le niveau de représentation diplomatique ne reviendra à la normale que lorsque les conditions de sécurité seront suffisantes. Égypte a été le premier pays arabe à conclure un traité de paix avec Israël.
Avec la décision du Président palestinien, Mahmoud Abbas, de présenter aux Conseil de sécurité une demande formelle de reconnaissance de la Palestine comme étant indépendant membre des Nations Unies, les semaines à venir vont donc être cruciales pour le Proche-Orient. L’administration Obama s’oppose bec et ongles à cette initiative, promet d’y opposer son véto et d’infliger des sanctions économiques à l’Autorité autonome. A nouveau, David Hale, l’émissaire américain et Dennis Ross, le conseiller spécial du président américain, doivent revenir dans la région pour une dernière tentative de relance de pourparlers. Mais les dirigeants palestiniens ont perdu toute confiance en la diplomatie américaine. Le 18 février 2011, les Etats-Unis ont opposé leur véto à une résolution condamnant la colonisation israélienne dans les territoires occupés. Les Américains avaient pourtant promis à Abbas qu’ils feraient tout pour persuader Benjamin Netanyahu d’arrêter la colonisation au moins pendant les négociations pour, ensuite, annoncer qu’ils avaient échoué. Or, la direction palestinienne maintient fermement sa position : « pas de pourparlers sans un tel arrêt et, à condition que soient respectés les termes de référence du processus qui doit avoir pour base la ligne de 1967, avec des échanges de territoire négociés »
Dans ces conditions, Mahmoud Abbas, ne renoncera pas à sa demande au conseil de sécurité. Il attendra ensuite pour voir si les israéliens ont changé de position et si des négociations sérieuses peuvent reprendre. Dans le cas contraire. Les palestiniens présenteront à l’Assemblée générale des Nations unies une demande reconnaissance de la Palestine comme état non membre de l’ONU. Ils devraient avoir, pour cela, la majorité nécessaire des deux tiers. Dans les deux cas, le cabinet israélien menace les palestiniens de mesures de rétorsion, notamment économiques. L’arrêt des transferts des droits de douane qu’ils prélèvent pour le compte de l’Autorité autonome, voir l’annulation des accords existants. Cela pourrait conduire à l’effondrement financier de l’administration palestinienne déjà en grave déficit budgétaire. Le chaos.