2011 l'année du Proche-Orient 2

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  En intitulant, le 13 janvier dernier, sur mon blog, une analyse : « 2011, l’année du Proche Orient » consacré au dossier palestinien et sans évoquer l’Egypte, je n’imaginais pas que je serai, moins de deux semaines plus tard, au Caire, place Tahrir, pour couvrir la première révolution populaire au Proche Orient. Un tremblement de terre politique et social dont les répliques de plus en plus fortes continuent de secouer le monde arabe.

   De retour à Jérusalem, je découvre la grande crainte des israéliens face à ce que l’on appelle désormais la Révolte arabe. Déjà, dés le 5 février, dans l’hebdomadaire français Marianne, un ancien ambassadeur d’Israël écrivait, sous le titre : « Pourquoi la révolution égyptienne me fait peur »… « Le jour où les Egyptiens seront appelés aux urnes pour des élections libres, ce ne sont pas les intellectuels et les membres des professions libérales du Caire qui feront le poids,  mais les 70 millions de paysans et les masses urbaines pauvres, illettrés et privés d’avenir. Ceux-là ne connaissent que l’Islam et ses promoteurs, les Frères musulmans, la seule force politique et caritative du pays. Il est hélas probable que ce qui est arrivé à Téhéran, à Alger et à gaza se reproduise au Caire et demain ailleurs dans la région. » Quelques jours plutôt, Benjamin Netanyahu avant donné le ton en déclarant « Dans une situation de chaos, un élément islamiste organisé peut prendre le contrôle d’un pays. C’est arrivé à Téhéran ». Avec ce genre de discours type de la communication israélienne il n’est pas surprenant qu’un sondage récent un sondage publié récemment montre que 84% des israéliens estiment que  la crise égyptienne va bénéficier à l’Islam radical, contre 11 % qui croient à l’installation de la démocratie. Seuls 4% des personnes interrogées pensent que la révolution en Egypte est une bonne chose pour Israël.

    Avant d’examiner la question de Frères musulmans … Quelques chiffres qui redressent l’image donnée par cet ancien ambassadeur d’Israël. Pour une population égyptienne de 83 millions d’habitants, il y a 20 millions d’abonnés à l’Internet. En 1981, lorsque Moubarak est arrivé au pouvoir, la durée de vie moyenne d’un égyptien était de 57 ans, elle est aujourd’hui de 70 ans. Le pourcentage d’illettrés est passé de 50% à 34%.. On est loin des « 70 millions de paysans et de masses urbaines pauvres »…

Venons –en aux Frères musulmans : Ils ont failli rater le coche en ne s’associant pas d’entrée de jeu aux appels à la manifestation lancés par les jeunes sur Facebook et Twitter. Lorsqu’ils ont compris que la contestation prenait de l’ampleur, ils ont rejoint le mouvement. Là, ont les a trouvés en première ligne place Tahrir, aux côtés de milliers de manifestants, pour affronter et mettre en déroute les unités anti émeutes de la police égyptienne. Puis, en participant au combat contre les hordes de pro Moubarak envoyés par des députés du parti au pouvoir et les services spéciaux du ministère de l’Intérieur Mais, après la nomination du nouveau vice-président, Omar Souleiman, les Frères ont été les premiers à accepter le dialogue avec le pouvoir… avant même le départ de Moubarak. La Confrérie compterait 3 à 5 millions de membres sur l’ensemble du territoire égyptien. . Ils ont payé le prix : un examen des annonces de décès publiés dans la presse locale et sur Internet - réalisé par des experts israéliens indépendants - confirme qu’au moins 150 parmi les 360 manifestants tués lors des affrontements dans les différentes villes appartiennent à l’organisation islamiste.

La Confrérie a fait son apparition à ciel ouvert, durant la prière, le vendredi 18 février place Tahrir. Revenu d’exil, le cheikh Youssef al-Qaradawi a prononcé un prêche dans lequel il n’a pas manqué d’évoquer le troisième lieu saint de l’Islam, la mosquée al-Aqsa à Jérusalem et « le sort des frères palestiniens  à Gaza. ».  Les chaines israéliennes n’ont pas manqué d’en faire leur titre principal le soir même, et le lendemain, le quotidien Yediot Aharonot d’y accorder une double page.. Ils oubliaient de mentionner que la fête s’est poursuivie jusque tard dans la soirée place Tahrir - sans les Frères- avec des chanteurs connus.. Il y avait plus de monde que durant la matinée. Le vendredi suivant la prière n’était pas dirigée par la Confrérie. Les Imams d’Al-Azhar, la grande université islamique ne l’apprécient guère..

  La révolution égyptienne va-t-elle déboucher sur un pouvoir islamiste dans le style de l’Iran ou sur le modèle islamique light de la Turquie ? A ce stade rien n’est moins sur. Le traité de paix avec Israël risque-t-il d’être remis en question ? Annulé ? Là aussi, la question n’est pas à l’ordre du jour en Egypte. Durant les semaines que j’ai passées au Caire, je n’ai assisté à aucune manifestation anti-israélienne. Aucun drapeau israélien ou américain n’a été brulé. Certainement, lorsque ce processus révolutionnaire aboutira à une conclusion dont nul ne peut, à ce stade, prévoir la nature, les relations entre l’Egypte et Israël changeront. Dans un Proche-Orient où des peuples se battent pour leurs droits et la démocratie, le problème palestinien reviendra sur l’avant scène.