En expliquant les raisons pour lesquelles il a décidé de quitter le camp républicain et de voter pour Barack Obama, Colin Powell n’a pas mentionné les quatre années qu’il a passées en qualité de secrétaire d’Etat de Georges Bush. Son impression d’avoir été mené en bateau lors de l’affaire irakienne. Il a dénoncé les « mensonges » qui ont entrainé l’Amérique dans cette guerre. Mais aussi son cuisant échec au Proche Orient. Les néoconservateurs, emmenés par le Vice président Dick Cheney ont systématiquement torpillé toutes ses initiatives.
Un exemple tiré de mon livre : « Les Années perdues ». Pages 197-198. Cela se passe mi avril 2002.
« A Ramallah, le Shin Beth a finit par localiser Marwan Barghouti. En cavale depuis le début de l’opération, le secrétaire général du Fatah en Cisjordanie se cachait tout simplement chez son ami Ziad abou Ain. Une unité spéciale encercle la maison. Il n’oppose aucune résistance. Son arrestation va le rendre encore plus populaire dans les territoires palestiniens.
Powell peut, le lendemain, aller présenter à Arafat le résultat de ses discussions avec les israéliens. Il lui lance: « vous devez faire les efforts qu’on vous demande ![1] ». La conversation se termine sur un désaccord total. Assiégé, avec des moyens de communication limités, Arafat n’a plus, depuis longtemps, les moyens de contrôler les différents groupes armés et répondre aux exigences israéliennes. Ses conseillers qualifient de « catastrophe » l’entretien avec le chef de la diplomatie américaine. Saeb Erekat : « Les israéliens voulaient que tout se passe selon une séquence… Dépendant de la capacité d’Arafat à jouer d’une baguette magique et donner des ordres au Palestiniens… Imaginez… des ordres aux types en fuite… au Hamas au Jihad, au FPLP, au DFLP, aux factions aux comités populaires à tous ces gens qui étaient là depuis plus de trois ans… Ils voulaient Arafat. Ils croyaient qu’Arafat avait le pouvoir d’arrêter tout et que le problème était Arafat. Et nous savions tous que ce n’était pas vrai. Dans bien des secteurs il n’y avait pas de contrôle… dans bien des secteurs, les Palestiniens croyaient que leur commandant en chef était mort.. Finit ! Il était, assiégé. Pourquoi devraient-ils l’écouter ! Monsieur Powell a dit : « Je suis peut-être le dernier officiel américain à venir vous rencontrer, Monsieur le Président. Je suis venu ici à l’encontre des souhaits de nombreuses personnes à Washington » Et le Président Arafat lui a dit : « J’apprécie cela, je vous respecte, de général à général ! » Arafat était un homme fier. Il ne pouvait pas prononcer les mots : « je ne peux pas le faire ! [2] »
Avant de quitter la région, Colin Powell doit annoncer la date et le lieu de la conférence internationale. Son discours est prêt. Mais il reçoit un appel urgent de Washington, Karl Rove, le chef d’état major de la Maison Blanche lui demande d’y renoncer. La manifestation de la veille, les pressions de la communauté juive, des évangélistes ont porté leurs fruits. Rapportée par des diplomates américains la phrase de Rove fera florés: « Nous avons plus besoin d’Israël qu’Israël a besoin de nous ![3] ». Richard Armitage le secrétaire d’état adjoint téléphone à son patron pour lui décrire la situation dans la capitale américaine : « Les gens mettent vraiment votre M…. dans la rue [4]» Larry Wilkerson, le chef de cabinet de Powell conclura: « Sharon savait qu’il avait un soutien à la Maison Blanche. Il savait où était ce soutien et que le secrétaire d’état n’était pas nécessairement en liaison avec ceux qui soutenaient Sharon… et surtout [Powell] avait réalisé que personne n’avait réellement intérêt à le voir réussir. »[5].