La presse:
La dépèche Associated Press
Affaire Mohammed al-Doura: l'avocat général demande la confirmation de la peine
AP | 27.02.2008 | 21:39
L'avocat général de la cour d'appel de Paris a requis mercredi soir la confirmation de la peine prononcée contre Philippe Karsenty, directeur de l'agence Media Rating, condamné à 1.000 euros d'amende en octobre 2006 pour diffamation contre le correspondant de France-2 à Jérusalem Charles Enderlin.
La décision a été mise en délibéré au 21 mai.
Le prévenu accuse le journaliste d'avoir "mis en scène" la mort d'un petit Palestinien sous les balles israéliennes en 2000. Les images de France-2 diffusées le 30 septembre 2000 au journal de 20h avaient fait le tour du monde. On y voyait le jeune Mohammed al-Doura, 12 ans, mourir dans les bras de son père sous une rafale de balles. Selon les commentaires du journaliste, les tirs étaient israéliens.
Le garçon est vite devenu un martyr dans le monde arabe et plusieurs attentats anti-israéliens ont été commis en son nom. De nombreuses voix se sont cependant élevées pour dénoncer le reportage, parlant d'une conspiration dirigée contre l'Etat hébreu.
Sur le site web de son "agence de notation des médias" (http://www.M-R.fr), Philippe Karsenty avait exigé en novembre 2004 la démission de Charles Enderlin et de la directrice de l'information de France-2, Arlette Chabot. Il affirmait que le journaliste avait diffusé "un faux reportage" dans lequel on aperçoit "une série de scènes jouées". Philippe Karsenty en concluait que le reportage sur la mort du petit Mohammed était "une pure fiction" et une "imposture médiatique".
Il a campé sur sa position mercredi à l'audience, affirmant que ce jour-là à Gaza s'était déroulé "le tournage d'une mise en scène". Il a cependant estimé que le correspondant de France-2, qui se trouvait à Ramallah au moment des faits, avait été trompé par son cameraman présent sur place. "Il y a une industrie du faux reportage", a-t-il également accusé, insinuant que les agences de presse présentes sur les lieux avaient couvert l'affaire.
Il s'agit de "l'accusation la plus grave qu'on peut proférer à l'encontre d'un journaliste, celle de bidonnage", a lancé Charles Enderlin, réitérant sa "confiance totale" en son cameraman. Il a noté que ce dernier n'avait jamais été mis en cause par Israël.
L'avocat du journaliste et de France-2, Me Francis Szpiner, a demandé à la cour d'appel de confirmer le jugement prononcé par le tribunal correctionnel. Outre les 1.000 euros d'amende, Philippe Karsenty avait été condamné à verser un euro de dommages et intérêts à Charles Enderlin et à la chaîne publique. L'avocat général, Antoine Bartoli, a lui aussi demandé cette confirmation, estimant qu'il n'y avait pas eu "d'enquête sérieuse" du directeur de Media Rating.
Une enquête réalisée par Tsahal sur les conditions du décès du petit Mohammed a conclu à la probabilité que l'enfant ait été victime d'une balle perdue palestinienne. Une thèse que Charles Enderlin avait relayée quelques jours après le reportage initial.
L'audience a également été consacrée au visionnage des rushes de France-2, ces images qui n'ont pas été exploitées dans le reportage, et d'autres chaînes ou agences d'images, comme l'Associated Press Television News (APTN). Sur les rushes de la chaîne publique, l'enfant, allongé à côté de son père, relève le bras alors que le reportage se terminait sur la scène du petit Mohammed, sans vie dans les bras de son père. AP
Le papier du Monde du 28.02.08
La cour d'appel de Paris examine un reportage contesté de France 2
L’'affaire empoisonne France 2 depuis bientôt huit ans. Mercredi 27 février, la directrice de l'information, Arlette Chabot, a tenu à assister à l'audience devant la 11e chambre de la cour d'appel de Paris qui jugeait Philippe Karsenty, directeur du site Internet Media-Ratings, poursuivi pour avoir diffamé son correspondant à Jérusalem, Charles Enderlin.
M. Karsenty avait repris et relayé, en 2004, les accusations lancées par une agence franco-israélienne, Metula News Agency (Ména), sur les images montrant Mohamed Al Dura, 12 ans, atteint mortellement par une rafale de balles alors qu'il se trouvait dans les bras de son père, lors d'un échange de tirs entre Israéliens et Palestiniens dans la bande de Gaza en septembre 2000. Devenues emblématiques de la cause palestinienne, utilisées comme propagande par des groupes terroristes, ces images réalisées par le cameraman de France 2, Talal Abu Ramah, et commentées par Charles Enderlin, étaient qualifiées par M. Karsenty de "supercherie", "imposture" et "mascarade".
Condamné en octobre 2006 par la 17e chambre du tribunal correctionnel, M. Karsenty a fait appel de ce jugement. Dans un climat particulièrement tendu, les deux parties se sont à nouveau affrontées, vidéos à l'appui. Alors que M. Karsenty avait mis en cause la réalité de la mort de l'enfant, Mme Chabot et M. Enderlin ont indiqué que son père, Jamal Al Dura, était prêt à autoriser son exhumation pour une analyse ADN, mais ils se sont montrés moins affirmatifs sur l'origine des tirs qui l'ont tué.
M. Karsenty a maintenu ses accusations de "mise en scène" de l'information. "Il y a une industrie du faux reportage à Gaza. J'ose attaquer l'icône Mohamed, défendue par l'icône médiatique Charles Enderlin. Mais l'histoire me donnera raison", a-t-il affirmé. "Charles Enderlin est un bon journaliste. Et parce qu'il est un bon journaliste, il n'est pas manichéen, c'est pour cela qu'il est détesté par les imbéciles de tous bords", a observé son avocat, Me Francis Szpiner, en qualifiant M. Karsenty de " croisement aigri de Faurisson et de Thierry Meyssan". Estimant que les propos tenus par M. Karsenty étaient "incontestablement diffamatoires", l'avocat général Antoine Bartoli a requis la confirmation du jugement du tribunal. La cour rendra son arrêt le 21 mai.
Pascale Robert-Diard