Le Nouvel Observateur - 18 mars 2004 Interview. Propos recueillis par René Backmann.
Le Nouvel Observateur. - L’une des leçons de votre livre, c’est qu’entre les Israéliens et les Palestiniens, bien avant l’échec du processus d’Oslo, il y a eu beaucoup d’occasions manquées de parler de paix...
Charles Enderlin. - C’est indiscutable. Je suis persuadé qu’au moment de la visite de Sadate à Jérusalem, par exemple, il y avait une réelle chance pour la paix. L’OLP l’a ratée car Arafat et ses principaux conseillers, Abou Jihad et Abou Iyad, ont choisi de refuser l’initiative de Sadate et de rallier le front du refus. A l’époque, pourtant, le représentant de l’OLP au Caire, Saïd Kamal, qui avait mesuré l’importance de l’événement, s’était déclaré prêt à participer aux négociations israélo-égyptiennes sur l’autonomie. Il avait même passé une nuit à attendre près du téléphone un feu vert de Yasser Arafat qui n’est jamais venu. Au sein de la direction palestinienne, certains estimaient d’ailleurs, à ce moment, que Saïd Kamal devait être éliminé, et c’est Abou Jihad en personne qui a interdit le départ pour Le Caire du commando chargé de l’exécution. En 1985, le même Saïd Kamal participera aux toutes premières négociations secrètes entre Israël et l’OLP...
N. O. - A quel moment l’OLP a-t-elle changé de stratégie et choisi de négocier ?
C. Enderlin. - Le processus, très lent, a commencé dès le départ de l’OLP de Beyrouth en 1982, lorsque les chefs du mouvement palestinien ont constaté qu’ils n’avaient plus d’option militaire. C’est-à-dire aussi lorsque leur départ du Liban les a éloignés de l’influence syrienne et soviétique et les a amenés à se tourner vers les Etats-Unis. Le changement a eu lieu sous la pression de la communauté internationale, mais parce que des forces au sein du mouvement palestinien ont amené l’OLP et le Fatah à adopter une attitude « pragmatique » avec Israël. Cela dit, il a tout de même fallu attendre 1985-1986 pour que les premiers contacts secrets soient noués entre des émissaires d’Arafat et des représentants du gouvernement israélien d’union nationale présidé par Shimon Peres. Son numéro deux, Itzhak Shamir, était tenu au courant de chaque détail de ces contacts secrets qui se sont déroulés d’abord à New York puis à Paris. Les prémices d’Oslo étaient dans ces discussions...
N. O. - L’appui des Etats-Unis est, historiquement, une clé de la politique israélienne. Sharon pourrait-il avoir l’attitude qu’il a aujourd’hui - construire la barrière de séparation, refuser tout dialogue, décréter qu’Arafat n’est pas un interlocuteur - sans un feu au moins orange de Washington ?
C. Enderlin. - Disons-le tout net : depuis son installation, l’administration Bush et ses conseillers chargés du Proche-Orient - Richard Perle, Douglas Feith, Eliott Abrams - ont toujours été des partisans du Likoud et d’une politique très dure envers les Palestiniens. Mais il faut dire que Sharon a aussi bénéficié de la stratégie catastrophique de Yasser Arafat, qui a commis erreur sur erreur, notamment en ne faisant pas les efforts qu’il aurait pu faire pour réduire la dimension militaire et terroriste de la seconde Intifada. Je sais que fin 2001-début 2002 des chefs de la sécurité, dont Mohammed Dahlan, lui ont demandé de les laisser intervenir contre les dirigeants islamistes pour tenter de reprendre le contrôle de la situation. Arafat leur a répondu : « Je réfléchis, je réfléchis. » Et Dahlan a prévenu que « si on ne fait rien, les Israéliens vont nous réoccuper complètement ». Le soir du grand attentat de la Pâque juive à Netanya, où 29 Israéliens ont trouvé la mort, Arafat a dit à Dahlan : « Maintenant, tu peux y aller. » Et Dahlan a répondu : « C’est trop tard, les Israéliens vont nous réoccuper demain. » C’est exactement ce qui est arrivé. Ce n’est pas tout. Décréter Arafat hors jeu, comme le font les Israéliens - et Dick Cheney a fait approuver cette politique par son administration -, c’est décréter hors jeu le seul dirigeant palestinien qui ait la légitimité pour signer un accord avec Israël. Cela rend toute négociation sérieuse impossible, mais aussi cela pousse Arafat à prouver qu’il n’est pas hors jeu, par exemple en empêchant son Premier ministre, Mahmoud Abbas, de procéder aux réformes nécessaires au sein de l’Autorité palestinienne, ou en faisant obstacle aux décisions de son Premier ministre actuel, Ahmed Qoreï.
Critique en anglais de Paix ou guerres par Anthony Wanis - St. John; Research Associate, Program on Negotiation, Harvard Law School. Mis en ligne sur Amazon
Multiple channels of Middle East Negotiations, January 14, 2001
Charles Enderlin is a French journalist who has written an exceedingly valuable book about Arab-Israeli negotiations and politics. He does not claim to be a political scientist, but what he himself calls self-deprecatingly an 'instant historian'. In fact, he provides valuable insights that historians often fail to provide because of their reliance on published or archival sources. Free of that limitation, Enderlin has nevertheless managed to offer one of the most comprehensive and detailed accounts of negotiations dating from 1917.
If you read French, and care about the Middle East, you have something to gain by reading this book, which publishes several scoops about the early PLO-Israel negotiations in the late 1980s, long before the current peace process had its start at the 1991 Madrid Peace Conference.
Last Spring while I was conducting my own doctoral research by interviewing the Palestinian and Israeli peace negotiators, I had the chance to hear Enderlin speak about the topic 'back channel negotiations at Hebrew University in Jerusalem and asked him about some of his sources. He relied mostly on interviews with political figures who are still alive. In Israel, numerous documentary sources are kept secret by the state until a forty year period expires. Among the Palestinians, the PLO has an archive, but researchers also rely on private collections, universities and think tanks. The gaps have to be filled with interviews, which Enderlin does so well
Last December 2000, Shlomo Gazit, one of the first Israeli figures to meet secretly with PLO reps came to Tufts University to give his spin on current events. That issue aside, he did confirm the accuracy of some of Enderlin's research.
One problem with this volume is the remarkable lack of footnotes to the published works consulted by Enderlin or to the interviews that Enderlin conducted. This sort of oversight is serious, but not fatal. Enderlin is a journalist, after all, not a PhD researcher. His motivation here was most likely to get access to the very events that were long denied to journalists and to make them available to a wider audience. Unfortunately, publishing in French did not help in this regard. An English translation would be highly popular among the university crowd and would probably be adopted as a text by professors. It would be consulted in every serious library. American publishers have not figured this out yet.
In feel, his book is similar to Secret Channels by Mohamed Heikal (HarperCollins), although Heikal is much more of an insider, having been both a government minister in Egypt and the nation's top journalist. Heikal's Secret Channels also suffers from a narrative style that skimps on footnotes although this is probably to increase readability for the non-specialist.
Paix ou Guerres is a must read for the serious scholar and the amateur historian or simply for those interested in the Middle East. It provides most value to the specialist, but suffers from the lack of references. My advice: learn French and read it.