Curieuse réaction de la Direction du Travail après la diffusion de Cash Investigation sur le détournement de l’argent de la formation professionnelle. Notre enquête, diffusée le 2 octobre, révélait qu’il était possible d’immatriculer auprès de l’État un organisme de formation avec un programme totalement farfelu.
Une séquence tournée en caméra cachée auprès des services compétents à la Direction du travail a permis de mettre le doigt sur cette faiblesse du système. Alors que nous nous faisons passer pour un citoyen désireux de devenir formateur, un agent (dont les propos sont enregistrés) confirme que n’importe qui peut devenir organisme de formation officiel et bénéficier ainsi de la cagnotte de la formation professionnelle.
«Sur dix dossiers que l’on reçoit, déplore-t-il, il y en a cinq qui sont bidon. Mais on y voit que du feu !»
Le résultat direct de ce dysfonctionnement est qu’il existe en France un maquis d’organismes de formation (près de 80 mille sont enregistrés auprès de l’État). Cela complique le contrôle de ces derniers et serait l’une des causes de la gabegie de l’argent de la formation.
Ce fonctionnaire n’est évidement pas en cause. Il ne fait qu’affirmer une vérité que tous les inspecteurs du travail connaissent. À la suite de ces révélations, on aurait donc espéré que l’État annonce un renforcement du contrôle lors des immatriculations ou la mise en place d’un système d’évaluation des formations afin de garantir l’efficacité des prestations et rendre plus difficile les détournements.
Pas du tout ! En réaction à cette séquence, la préfecture d’Île-de-France a préféré envoyer une note écrite à l’ensemble de ses agents en leur rappelant qu’il est interdit d’exposer au public leurs «opinions personnelles». Le document ajoute que leurs formulations doivent être «mesurées et exprimer sans ambiguïté les valeurs et principes du service public».
Cela s’appelle le droit de réserve. Mais si l’on met de côté la langue de bois administrative, on peut le résumer ainsi : «Surtout fonctionnaires, ne révélez pas les problèmes de l’État, sinon on va finir par être obligé de s’y attaquer.»
Les centres de formation bidon ont encore de beaux jours devant eux...