Le mois dernier, la Cour Suprême a pris une décision qui touche un domaine cher au coeur des Indiens : le cinéma. Désormais, avant chaque projection, le drapeau du pays est projeté sur l’écran durant 50 secondes accompagné de l’hymne national. Toutes les personnes présentes dans la salle doivent se lever en signe de respect. Pour être resté assis, douze spectateurs ont été arrêtés hier en marge d’un festival.
Une décision inattendue
C’est un jugement teinté de patriotisme et de nationalisme qui a été rendu par la Cour Suprême le 30 novembre dernier : « Il est temps que les citoyens de ce pays réalisent qu’ils vivent au sein d’une nation et qu'ils ont le devoir de montrer leur respect à l’hymne national ». Désormais, avant chaque film, les spectateurs ont donc l'obligation de rendre hommage au Jana Mana Gana. Le jugement s’est également appuyé sur une loi de 1971 qui condamne tout acte d’irrespect envers les symboles nationaux. Les cinémas avaient 10 jours à compter de la date du jugement pour mettre en place cette nouvelle mesure.
Rien ne doit perturber ce moment de recueillement patriotique, toutes les portes des salles de projection doivent être gardées pendant l’hymne afin d’éviter les allées et venues.
Interpellations et débordements
A travers le pays, des spectateurs ont déjà refusé de se plier à ce nouveau rituel. Depuis ce week end, plusieurs incidents ont été rapportés. Lundi, lors d'un festival de cinéma au Kerala, douze personnes ont été arrêtées par la police. Des officiers étaient présents dans la salle, prévenus par un activiste du BJP, parti de la droite nationaliste hindoue actuellement au pouvoir. Il a denoncé certains festivaliers qui ne prenaient pas la peine de se lever pour l’hymne.
Un peu plus tôt dans la semaine, une société de production avait formulé à la Cour Suprême une demande d’exemption pour la durée du festival. Avec plus de 490 projections, il attire des spectateurs et des professionnels du monde entier. La réponse du Président de la Cour Suprême indienne a été inflexible : « Pourquoi devrions-nous revenir sur notre jugement pour faire plaisir aux étrangers ? Si vous assistez à 40 projections, eh bien vous devrez vous lever 40 fois ». Certains cinémas avaient déjà mis en place la diffusion de l’hymne national avant même cette décision. Le mois dernier, un célèbre poète indien avait été agressé dans un cinéma de Goa pour avoir eu l’audace de ne pas se lever pendant l’hymne. Cependant, l’homme en question a une raison valable : il est en fauteuil roulant. Vendredi, la Cour Suprême a apporté une clarification à son jugement : les personnes handicapées n'auront finalement pas à se lever.
Une décision controversée
La société indienne est divisée sur cette nouvelle obligation. Certains l'assimilent même à un régime dictatorial. Ivan Mehta, journaliste au Huffington Post India, dénonce avec ironie cette décision :
2016: Vous devez écouter l’hymne National avant le début de chaque film au cinéma
2017: Tout le monde doit utiliser l’Hymne national en sonnerie de téléphone
En guise de protestation, des indiens, souvent de jeunes intellectuels, planifient de ne pas se lever lors de lors prochaine sortie au cinéma.
Du côté des nationalistes hindous, certains appellent à une généralisation de l’obligation. C’est le cas d’Ashwini Upadhyay :
« L’hymne national ne devrait pas seulement être joué dans les salles de cinéma, mais aussi dans les tribunaux, les bureaux du gouvernement, le Parlement et les Assemblées avant de commencer le travail ».
Hélène Corbie