Une centaine de pages du "manifeste" du terroriste norvégien chante les louanges du nationalisme hindou. Gênés, les porte-parole des partis politiques cités nient tout lien avec Anders B. Breivik.
Il aura fallu à A. Breivik un peu plus de 1500 pages pour dessiner les contours de sa "déclaration d'indépendance européenne" - titre du manifeste rédigé avant le massacre du 22 juillet dernier. Dans ce texte que certains ont qualifié de "testament délirant", le Norvégien reprend - sans toujours les citer - de nombreux penseurs de l'extrême droite révolutionnaire. Plus surprenant de la part du terroriste scandinave, un long passage est consacré au nationalisme hindou.
Les "amis" hindous du nationaliste norvégien
Au milieu de ce programme (dont la publication est limitée), une centaine de pages consacrée à l'Hindutva. Doctrine du nationalisme hindou, ce courant idéologique remonte aux années 1920 et au livre de V.D. Savarkar, "Hindutva, who is a Hindu ?" « charte idéologique du mouvement nationaliste hindou » explique C. Jaffrelot. Une charte qui « définit l’identité indienne comme se résumant à la culture hindoue et invite les minorités religieuses à refouler les manifestations de leur foi dans la sphère privée pour se fondre à ce « "mainstream" » (C. Jaffrelot, Du nationalisme hindou au nationalisme nucléaire – et retour ?, Septembre 1998).
Citant en vrac le BJP (parti du peuple indien) le RSS et le VHP (Vishwa Hindu Parishad - mouvement nationaliste hindou radical) Anders Breivik salue les combats des partis extrémistes hindous. Partis qui se sont empressés de nier un quelconque lien, ne serait-ce qu'idéologique, avec le terroriste norvégien.
"Tuer des innocents comme l'a fait Breivik est répréhensible au delà de ce que les mots peuvent exprimer" a déclaré le porte-parole du RSS, Ram Madhav. "Faire le lien entre les theories d'extrême droite en Europe et la culture millénaire hindoue est absurde" a pour sa part dénoncé Praveen Togadia, secrétaire général du VHP.
Mais le Times of India souligne qu'au-delà des déclarations officielles « les leaders safrans [la couleur symbolique des nationalistes hindous] sont embarrassés » par ces passages du manifeste. Vinod Bansal (VHP) aurait ainsi déclaré que "La grande majorité de ce qu'il dit n'a aucun sens. A l'exception du passage sur la façon dont le gouvernement indien traite les Musulmans. L'UPA de Sonia Gandhi a été trop indulgent. Et a en plus mené une politique qui fait que le pays est en train de se convertir en masse au christianisme".
Les nationalistes hindous surveillent désormais leur communication. Afin de ne pas pâtir d’un attentat commis par un chrétien blond aux yeux bleus à 6000 kilomètres de Delhi.
C.B.
The Hindu dénonce l’aveuglement européen
Dans une tribune parue dans The Hindu (centre gauche), Praveen Swami revient lui aussi sur les liens entre nationalisme hindou et idéologie d’extrême droite. Pour l’éditorialiste, l’Europe refuse de voir que le discours d’A. Breivik, loin d’être le délire d’un homme seul, reprend des théories « profondément ancrées dans les discours de la droite européenne », citant Angela Merkel mais aussi Nicolas Sarkozy. Les leçons que l’Europe doit tirer de cet acte terroriste sont valables pour l’Inde, écrit Swami. Il leur faut condamner non seulement la violence des actes, mais aussi les idées qui la sous-tendent, au risque de voir un tel drame se reproduire.