Pénurie d’électricité à Gaza : à qui la faute?

Confronté à des manifestations spontanées dans le territoire sous son contrôle, le pouvoir islamiste du Hamas tente de détourner la colère de la population sur l’Autorité palestinienne et Israël qu’il menace d’une escalade. L’aide promise en urgence par la Turquie camoufle à peine une situation sanitaire au bord du désastre.

Jeudi dernier, ils étaient plusieurs milliers à envahir les ruelles des camps de réfugiés de Gaza : Nuseirat, Dir-al-Balah ou encore Jabaliya, au nord de l’enclave palestinienne. Une foule rapidement contenue par les forces de sécurité du Hamas, accusées d’avoir ouvert le feu sur des manifestants qui leur jetaient des pierres et d’avoir molesté sans raison plusieurs journalistes et photographes. Le chanteur Adel Meshoukhi, star locale, aurait également été interpellé après avoir posté une vidéo dénonçant l’indifférence du Hamas à l’égard du sort de sa population. Au total, les ONG évoquent près de 400 arrestations.  

Ces rassemblements, que certains commentateurs s’empressent de présenter comme un prélude au « Printemps de Gaza », seraient intervenus après la mort de trois nourrissons en l’espace de quelques jours. Sans fournir davantage précisions, des sources médicales palestiniennes imputent ces décès aux pénuries d’électricité qui limitent désormais à quatre heures par jour l’accès au courant pour les gazaouis. Contre huit en temps habituel, ce qui reste largement insuffisant.   

La crise actuelle serait due au fait que les autorités à Gaza ne disposent pas d’assez de fuel pour pleinement alimenter l’unique centrale électrique de l’enclave, utilisée actuellement à 10% de ses capacités. Des ministres du Hamas accusent ouvertement l’Autorité palestinienne d’avoir sciemment provoqué cette crise en refusant de baisser la taxe sur le kérosène.

Vendredi, après la traditionnelle grande prière, les partisans du Hamas ont à leur tour battu le pavé, brûlant des posters à l’effigie du président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, et de son Premier ministre, Rami Hamdallah. Le mouvement islamiste palestinien, qui s’apprête à marquer le dixième anniversaire de son coup de force à Gaza, considère que son rival du Fatah cherche à affaiblir son pouvoir. 

Situation humanitaire bientôt intenable
Conciliante, l’Autorité de Mahmoud Abbas a consenti à lever temporairement la taxe sur le fuel importé dans le territoire sous contrôle du Hamas. Les deux factions rivales palestiniennes ont également convenu de mettre en place une commission spéciale chargée de faciliter l'approvisionnement en gaz de la centrale de Gaza, moins complexe que le fuel. En attendant, la Turquie a proposé de livrer dans les plus brefs délais près de 15.000 tonnes de diesel à l’enclave palestinienne, ce qui permettrait de répondre aux besoins en électricité des habitants de Gaza pendant les trois prochains mois. 

Le Hamas utilise également cette crise pour accentuer la pression sur Israël, l’accusant de ralentir les livraisons de fuel pour des motifs sécuritaires. « Si notre leadership est menacé, nous reprendrons nos tirs sur Israël. Nous n’agirons pas comme Bachar al-Assad qui ne riposte jamais », prévient un porte-parole de l’organisation islamiste. L’Etat hébreu renvoie la politesse au Hamas qui l’accuse d’être responsable de cette crise énergétique. « Ses responsables jouissent du courant 24/7 et tous les tunnels de Gaza disposent d’un générateur. Ils détournent l’électricité pour leurs intérêts personnels et leurs infrastructures militaires », répond le général israélien Yoav Mordechaï, coordinateur de l’administration civile à Gaza (Cogat).

Reste que la situation dans l’enclave palestinienne n'a jamais semblé aussi proche du point de non-retour. Outre les pénuries d’électricités, ses habitants doivent faire à de graves problèmes sanitaires. Par exemple, 95% de l’eau courante n’est pas potable et, aux dires des experts de l’ONU, ce territoire d’une superficie de 365 kilomètres carrés, l’un des plus densément peuplés du monde, ne sera plus habitable en 2020. Sans intervention rapide des parties concernées (Israël et l’Egypte en premier chef) cette perspective glaçante rend inévitable une nouvelle explosion de violence.