Salavat Tcherbakov a de la chance. Ses oeuvres monumentales plaisent autant à l'Eglise qu'au pourvoir. Moins d'un an après l'inauguration aux abords du Kremlin de sa statue de Vladimir 1er, le tsar qui a imposé le christianisme à la Russie, il se prépare à léguer à la ville de Moscou une statue de Mikhaïl Kalachnikov, l'inventeur de fameux fusil automatique.
L'oeuvre du sculpteur est prête. Elle attend dans le vaste hangar de la fonderie qu'un camion vienne la chercher pour la déposer à l'angle du boulevard Triomphal et de la rue Dolgorouki où elle sera bientôt juchée sur son socle de granit. Elle mesure un peu moins de 7 mètres de haut et pèse aux environs d'une tonne.
"Mikhaïl Kalachnikov est un véritable héros russe, dit le sculpteur. Un homme qui toute sa vie est resté très simple". Il est décédé le 23 décembre 2013 à l'âge de 94 ans. C'est lui qui, pendant la seconde guerre mondiale, a eu l'idée de mettre au point une arme légère et rapide pour les soldats de l'Armée rouge. La production fut lancée en 1947 et très vite l'Avtomat Kalachnikova est devenue un best-seller dans le monde entier.
Interrogé à la fin de sa vie sur le succès de son invention Mikhaïl Kalachnikov se disait fier de sa réussite mais regrettait qu'elle soit parfois utilisée par des terroristes. "J'aurais préféré, dit ce fils de paysans, avoir inventé une machine que les gens peuvent utiliser et qui aiderait des fermiers dans leur travail… par exemple une tondeuse".
On estime qu'entre 70 et 110 millions d'exemplaires ont été fabriqués à travers le monde. Dans l'ex-URSS mais aussi en Chine et dans de nombreux autres pays. La production de modèles plus sophistiqués se poursuit à l'heure actuelle ce qui fait de l'AK la série de fusils la plus répandue dans le monde.
Salavat Tcherbakov, lui non plus, ne compte pas s'arrêter en si bon chemin. Il met la dernière main à une série de 17 statues qui vont trouver leur place au pied de la cathédrale du Christ Sauveur. Chacune d'entre elle représente l'un des patriarches qui se sont succédés à la tête de l'église orthodoxe de Russie. Et dire que dans les années 90, après la chute du communisme, l'artiste, pour survivre, s'était recyclé dans les décors en carton-pâte des innombrables casinos qui avaient fleuri dans la capitale !