La Bayadère de retour au Royal Opera House pour un spectacle éblouissant

La Bayadère © 2018 ROH. Photographed by Bill Cooper

Le célèbre ballet de Marius Petipa est à l’affiche de l’Opéra Royal jusqu’au 17 novembre. Sur scène, les solistes livrent une performance exceptionnelle, avec l’Inde comme décor.

Le Ballet Royal renoue cet automne avec l’un de ses classiques pour offrir un spectacle fabuleux : celui du célèbre “ballet indien” du français Marius Petipa, créé en 1877 pour la troupe impériale de Saint-Pétersbourg. Sous la houlette de la danseuse et chorégraphe émérite Natalia Makarova, La Bayadère, devenu depuis trente ans l'une des pièces maîtresses du répertoire du Ballet Royal, reprend vie sur la scène de l'Opéra Royal jusqu’au 17 novembre. Le spectacle est également diffusé en direct le 13 novembre dans près de 1500 cinémas du monde entier.

Marianela Nuñez danse Nikiya dans La Bayadère © 2018 ROH. Photographed by Bill Cooper

Costumes somptueux et décors enchanteurs

Avec La Bayadère, les danseurs de l’Opéra Royal transportent les spectateurs au cœur d’une Inde imaginaire. Au milieu de temples bouddhistes, palais dorés et jardins fleuris, évoluent des moines en robes violettes, des guerriers en armures et des bayadères, les danseuses de temple aux étoffes chatoyantes. C’est sur cette toile de costumes somptueux et de décors enchanteurs que l’intrigue du drame se tisse. Le ballet relate l’histoire d’amour entre le guerrier Solor, et Nikiya, une bayadère. Cette liaison déplaît au Rajah, qui veut marier Solor avec sa fille Gamzatti. Il décide alors d’éliminer la bayadère. Dans les scènes de cour qui s’ensuivent, les danses du corps de ballet magnifient les prestations des trois rôles principaux, jusqu’au moment tragique. A l’issu d’un solo poignant dans lequel Marianela Nuñez, dans le rôle de Nikiya, exprime avec brio le désespoir d’une passion impossible, la jeune femme s’effondre au sol, empoisonnée.

Les artistes du Ballet Royal dans La Bayadère © 2018 ROH. Photographed by Bill Cooper

Le Royaume des ombres hypnotique

L’Inde n’est plus qu’un lointain souvenir dans l’Acte II, qui revêt des airs de ballet purement classique. Pris de remords, Solor est hanté par l’esprit de Nikiya et voit apparaître en rêve sa bien-aimée, dont la vision est démultipliée par le corps de ballet. Vêtues de tutus blancs, des danseuses apparaissent les unes après les autres pour interpréter la célèbre scène du Royaume des Ombres. Dans la chorégraphie de Natalia Makarova, elles sont 24 à exécuter les mêmes mouvements à l’identique et en parfaite simultanéité. A l’époque de Marius Petipa, il y en avait parfois jusqu’à 48. Cette séquence, pensée par Petipa pour montrer la précision du corps de ballet à travers des mouvements minutieusement calibrés, a fait du chorégraphe un nouveau maître du genre. Les gestes, par leur répétition mais aussi leur apparente simplicité, confèrent à la séquence son caractère hypnotique, presque léthargique. Dans cette douce atmosphère de songe, le duo réuni, formé par Matthieu Ball et Marianela Nuñez, exprime alors un sentiment d’éternité. Le retour à la réalité du mariage est brutal pour Solor, qui ne peut se résoudre à prononcer ses vœux. Son refus déclenche la colère des dieux, et la destruction du temple à laquelle personne ne survit. Le ballet se conclut sur l’union des deux amants dans l’au-delà. 

Natalia Osipova danse Gamzatti dans La Bayadère © 2018 ROH. Photographed by Bill Cooper

Un ballet orientaliste

Sous les saris et pantalons bouffants, les gestes des danseurs classiques sont bien teintés d’inspirations indiennes. Ekaterina Vazem, qui interprétait Nikiya lors de la première représentation en 1877 à Saint-Petersbourg, avait d’ailleurs du mal à adapter sa technique vieillissante à ces pas plus exotiques. C’est pourtant l’influence de danses ethniques qui a caractérisé par la suite les créations de Petipa, et contribué à son succès à la tête du prestigieux ballet de Saint-Pétersbourg. Toutefois, le ballet est loin de refléter avec exactitude l’organisation des sociétés indiennes et le rôle des danseuses dans les temples au XIXe siècle. “La danse du temple est, ou plutôt était, une forme de dévotion hautement complexe basée sur des concepts chorégraphiques et un système de musique complètement différents de ceux de l’Occident”, souligne Maria Lord, spécialiste en musique et culture de l’Asie du Sud. Le ballet témoigne surtout de la fascination que l’Inde a exercé sur les artistes de l’époque comme Petipa, et s’inscrit dans la lignée des œuvres orientalistes de la fin du XIXe siècle. Malgré les nombreuses confusions qu’il véhicule, La Bayadère n’en demeure par moins un spectacle ravissant qui rappelle les difficultés qu’on eu les puissances coloniales pour comprendre et respecter les différentes cultures.

Un article d’Alice Brogat, avec Arnaud Comte.

Publié par Bureau de Londres / Catégories : Non classé