A Londres, il y a une référence en matière de parapluies. Le commerce James Smith & sons équipe les britanniques depuis 1830. Aujourd'hui, leurs accessoires sont portés aux quatre coins du monde.
La boutique forme un étonnant kaléidoscope de bois. La noirceur du prunellier, le pourpre du cerisier, les nuances caramel de l’érable et les airs japonisants du whangee composent ainsi de multiples bouquets de parapluies, qui se chevauchent dans cet un ancien commerce d’Oxford Street. Sous les trophées de chasse, les boiseries de la "Hazelwood house" évoquent l’âge de la maison James Smith & Sons : le lieu a connu l’époque victorienne et sa clientèle aux chapeaux haut-de-forme. Il est d’ailleurs le plus vieux magasin de parapluie d’Europe. Comme le rappelle l’inscription au-dessus de la porte d’entrée, l’entreprise a été fondée en 1830. Mais ce n’est qu’en 1857 que Mr. Smith, le propriétaire du commerce, décide de s’installer à l’emplacement actuel, une ancienne crèmerie. Depuis, la boutique est restée dans son jus, ou presque. « Autrefois, d’épais rideaux encadraient les fenêtres », précise Phil Naisbitt qui travaille ici depuis cinq ans. « Il devait sûrement y faire assez sombre », ajoute l’employé, le regard tourné vers la lumineuse vitrine aujourd’hui animée par le passage des bus couleur carmin. Au sous-sol, le commerce a conservé son atelier où chaque parapluie est confectionné en deux heures. « Une partie de nos parapluies est, elle, fabriquée dans d’autres pays européens », reconnaît Phil Naisbitt.
De Dickens à Mary Poppins
Toucan, perroquet, renard, crocodile ou encore carlin, clin d’œil aux « toutous » de la Reine Victoria, les étagères regorgent de cannes et de parapluies aux manches sculptés. Au cœur de cette véritable ménagerie, se distingue la figure de Sherlock Holmes, le célèbre détective londonien tout droit sorti de l’œuvre de Sir Arthur Conan Doyle. Un hommage à la littérature britannique. « Celle-ci abonde d’ailleurs de personnages associés au parapluie », ajoute Phil Naisbitt. Sous la plume de Charles Dickens, le parapluie devient l’accessoire de Mrs. Gamp. Le nom propre devient finalement commun, pour désigner l’objet lui-même. Et puis, il y a la célèbre nounou londonienne Mary Poppins, sortie des méninges de la romancière australienne Pamela L. Traverse. La gouvernante apparaît dans le roman sous son parapluie, portée par les vents.
Un déluge de parapluies
« Le parapluie n’a certes pas été inventé en Grande-Bretagne, mais nous, britanniques, le portons dans nos cœurs », affirme Phil Naisbitt. Pourtant, cela n’a pas toujours été le cas... En 1705, le français Jean Marius met au point le parapluie pliant. Alors qu’en France l’objet se vend comme des petits pains au début du XIXème siècle, les anglais eux se montrent étonnamment plus réticents à l’adopter. Ils méprisent d’ailleurs l’accessoire : la mode à Londres est alors de faire appel à une voiture lorsqu’il pleut en ville. Porter un parapluie insinue que l’on ne peut se payer un équipage. « Et puis, petit à petit, l’invention a intégré la culture britannique », pour en devenir incontestablement associée.
Drizzle, cats and dogs, downpour, weather for ducks. « Pour qualifier la pluie, ce ne sont pas les expressions qui manquent ! » s’amuse Phil Naisbitt. « Les britanniques et la pluie ? C’est une relation faite de hauts et de bas ». Les jours de pluie, la boutique croule sous la clientèle. Et pas qu’en Angleterre ! James Smith & sons envoie également ses parapluies aux quatre coins du monde, jusqu’en Australie et au Japon.
Un article de Alizée Mosconi avec Arnaud Comte.