Politiquement correct ou réelle avancée : faut-il récompenser les polars sans violence faite aux femmes ?

Bridget Lawless, une scénariste anglaise, vient de lancer une compétition pas comme les autres. Le Staunch Book Prize récompensera un polar dans lequel aucune femme n'est «battue, harcelée sexuellement, violée ou tuée». 

Depuis quelques mois, la libération de la parole autour des violences faites aux femmes ne cesse de croître sur les réseaux sociaux, notamment à travers les mouvements #MeToo aux Etats-Unis et #Balancetonporc en France. C’est dans cet élan que Bridget Lawless, scénariste britannique, a décidé de lancer un nouveau prix qui distingue les polars dans lesquels aucune femme n’est victime de violence.

Le ou la gagnant(e) recevra la somme de 2000 livres (2250 euros) le 28 novembre prochain. Une date qui n’a pas été choisie au hasard puisqu’il s’agit de la Journée internationale de l'éradication des violences faites aux femmes.

Mais Bridget Lawless insiste : « Cela ne veut pas dire que nous cherchons seulement des polars qui mettent en danger les hommes, mais plutôt des histoires dans lesquelles les personnages féminins n’ont pas à être violés pour devenir autonomes, ou être des dommages collatéraux afin enrichir l'intrigue », explique-t-elle sur le site internet du Staunch Book Prize.  Loin de vouloir exclure les hommes, la compétition est ouverte à toute personne majeure jusqu’au 15 juillet 2018. Le prix vise en réalité à libérer du cliché qui prête souvent aux personnages féminins le rôle de victime.

Financé par une levée de fonds, le projet s’inscrit dans une démarche féministe, jusqu’au choix des membres du jury. Il sera composé de Bridget Lawless elle-même mais également de l’actrice Doon Mackichan, réalisatrice de Body Count Rising, un documentaire sur les violences dont sont victimes les femmes dans la fiction, diffusé sur les ondes de BBC4. Bridget Lawless n’en est pas à sa première initiative engagée pour les femmes. Elle avait en effet déclaré dans une tribune publiée par The Guardian le 12 janvier dernier qu'elle ne voterait pas pour les BAFTAs, l’équivalent de la cérémonie des Césars en Angleterre, «tant que les films ne peuvent pas garantir que personne n'a été violenté durant le processus de réalisation».

 

Bridget Lawless

Si certains saluent cette initiative, elle ne met pas tout le monde d’accord. L’écrivain irlandais Steve Cavanagh s'interroge: «Ne serait-il pas mieux de récompenser un livre qui s'attaque au préjudice plutôt qu'un livre qui l'ignore?». Des interrogations similaires à celles qui avaient suivi une polémique lancée par Sarah Hall, une mère de famille britannique  qui avait demandé à l'école primaire de son fils âgé de 6 ans de cesser de raconter l'histoire de "La Belle au bois dormant". Selon elle, le baiser entre la princesse et le prince n'est pas consenti et doit être considéré comme une agression sexuelle.

Blanche Vathonne avec Loïc de la Mornais