L’Irlande est l’un des rares pays d’Europe où l’avortement reste aujourd’hui strictement interdit, sauf si la vie de la mère est en danger. Pourtant, les choses pourraient rapidement changer. En effet, les Irlandais seront appelés à un référendum sur le sujet clivant de l’avortement d’ici fin mai 2018. Le 8ème amendement de la Constitution sera ainsi remis en question et les Irlandais pourront choisir, ou non, d’élargir les conditions d’accès à l’avortement. L’annonce a été faite lundi 29 janvier par le 1er Ministre irlandais, Leo Varadkar, et fait suite à une réunion gouvernementale de plusieurs heures qui a autorisé l’organisation d’un tel référendum. La date exacte du scrutin devrait être connue dans les prochaines semaines.
Le scrutin ne prévoit pas de formuler précisément la potentielle future loi mais appellera les irlandais à s’exprimer sur la suppression, ou non, du 8ème amendement, qui stipule les conditions d’accès actuelles très strictes à l’avortement.
Pays à forte tradition catholique, l’Irlande a longtemps obéi aux principes bibliques en termes de politique sociale et familiale. Ainsi, jusqu’en 1995 le divorce y était interdit, jusqu’en 1993 être homosexuel était illégal et la contraception fût interdite entre 1935 et 1980. Jusqu’en 2012 l’accès à l’avortement était totalement interdit, quelque soient les circonstances. Mais une première évolution de la loi fut votée cette année la, après le décès d’une jeune femme suite au refus des médecins de mettre fin à sa grossesse difficile qui menaçait sa vie. Savita Halappanavar, 31 ans, n’a pas survécu à une fausse couche qui a entraîné une septicémie suite au refus des médecins de mettre un terme à sa grossesse. Les médecins, face à la sévérité de la loi à l’époque, ont attendu que le cœur du bébé s’arrête pour procéder à l’avortement, laissant l’infection s’étendre.
L’Irlande, longtemps très conservatrice et aux valeurs traditionnelles a énormément évolué durant les 35 dernières années. Étonnement, en 2015, le pays sera le premier au monde à légaliser le mariage homosexuel par voie de référendum. De la même manière, le divorce fut légalisé suite à un référendum. Le recours à la consultation populaire semble donc être un véritable moteur de changement social. D’ailleurs, dès novembre 2016, une commission composée de 100 citoyens irlandais avait recommandé auprès du gouvernement, un droit sans restriction à l’avortement jusqu’à 12 semaines de grossesse. Une recommandation qui prend en compte une certaine réalité : de nombreuses femmes se rendent chaque année au Royaume-Uni pour pouvoir y avorter légalement. Comme une logique, c’est donc le peuple qui décidera de libéraliser ou non l’avortement.
Cependant, même si selon les sondages, le référendum devrait mener au retrait du 8ème amendement, les chances sont faibles pour que l’accès à l’avortement soit ouvert sans restriction à toutes les femmes. En effet, selon un sondage Ipsos MRBI de mai 2017, 82% des irlandais se déclarent favorables à l’avortement si la santé de la mère est menacée, 76% dans le cas d’une grossesse après un viol ; 72% si la santé mentale de la mère est menacée et 67% si le fœtus présente des malformations potentiellement mortelles. Cependant, l’idée d’ouvrir l’accès à l’avortement pour toutes les femmes sans restrictions s’oppose au refus de 67% des interrogés, tout comme le cas où l’avortement serait justifié par l’impossibilité financière d’élever un enfant, que 68% rejettent.
Hier, le chef du gouvernement irlandais s’est dit "confiant dans la réalisation de ce calendrier", mettant en avant qu’il s’agit d’un sujet "très personnel" qui nécessite un débat respectueux. Le droit à l’avortement est actuellement reconnu dans 40 des 47 Etats du Conseil de l’Europe, avec des dispositions différentes notamment sur la limite de temps. Les pays ne reconnaissant pas ce droit sont: Andorre, le Vatican, St Marin, et Malte, et l'accès y est très restreint en Irlande du Nord, Pologne et à Chypre. L’exemple de la République d’Irlande pourrait inspirer sa voisine du Nord, où contrairement au reste du Royaume-Uni l’avortement reste illégal dans la plupart des cas, et passible d’une peine d’emprisonnement à perpétuité.
Marion Russell avec Loïc de la Mornais