Le rêve britannique dure 5 ans

Un perroquet face à des pigeons hostiles. Une oeuvre de Banksy qui dénonce la rhétorique d'extrême droite en Grande-Bretagne. Effacée par la police de Clacton en Octobre 2014.

Le rêve britannique a désormais une date de péremption. Une nouvelle mesure introduite le 6 Avril dernier expulse du territoire britannique les personnes non ressortissantes de l'Union Européenne, résidant au Royaume-Uni depuis plus de 5 ans et gagnant moins de 35 000 livres (44 000 euros) annuel. Une hérésie, selon de nombreux travailleurs étrangers, quand on sait que le salaire moyen est en dessous de 30 000 livres par an. 

Imaginez seulement: vous êtes jeune, vous venez d'Istanbul, Tokyo, Rio de Janeiro ou Saint-Pétersbourg, vous avez décidé de tenter votre chance au Royaume-Uni car c'est un pays ouvert sur le monde où l'on parle anglais, et toutes les langues du monde. Vous avez emménagé à Londres - par exemple - et ce malgré des loyers délirants et un trafic apocalyptique. La capitale est cosmopolite, elle vous accueille à bras ouverts avec son marché de l'emploi aussi flexible que la côte de popularité de la famille royale. Vous travaillez et vous payez les taxes en vigueur, vous avez des "mates" locaux avec lesquels vous allez boire des "pint" au pub du coin. Bref, vous êtes presque british. Et puis, un jour vous devez partir car vous ne gagnez pas assez.

C'est le principe de la nouvelle mesure introduite par le gouvernement ce mois-ci avec pour objectif de réduire le nombre de visa permanent accordé aux personnes non ressortissantes de l'Union Européenne. Après 5 ans de bons et loyaux services, c'est bye bye si vous ne pouvez pas prouver que vous gagnez 35 000 livres annuel ou plus. Le cosmopolitisme dont se targue si souvent Londres et par extension le Royaume-Uni est clairement en péril pour les britanniques de coeur mais étrangers sur le papier.

026234_3134db0f233045feaa7bce1b2c72a6eeC'est ce que dénonce la campagne Stop35K à travers une série de portraits et de témoignages. Une mesure qui touche des profils d'une très grande variété, loin des stéréotypes. C'est l'américaine Lily qui s'est engagée auprès de la Croix-Rouge anglaise et réside au Royaume-Uni depuis 9 ans mais qui en raison de missions humanitaires à l'étranger de longue durée doit renoncer à la demande d'un visa permanent. C'est Kesavan qui vient d'Inde et travaille au NHS (service de santé britannique) à un poste confirmé. Il possède son appartement à Londres mais ne gagne pas suffisamment et devra sûrement refaire sa vie ailleurs, contre son gré.

Alors qu'un Brexit - sortie de l'Union Européenne - se profile peut-être à l'horizon, le Royaume-Uni semble se recroqueviller de plus en plus sur lui-même, à l'image d'un radeau à la dérive comme dans le fameux roman de Saramago. Il se coupe non seulement du "continent" mais aussi du reste du monde.

Le gouvernement cherche à réduire l'immigration qui a augmenté comme jamais ces dernières années - moins de 10 000 demandes de travailleur en 1997 contre 84 000 en 2010. Selon la ministre de l'Intérieur Theresa May il s'agit surtout de faire un tri qualitatif pour ne garder que "les meilleurs et les plus brillants". En l'occurrence il s'agira surtout des plus riches, et ce n'est pas tout à fait la même chose.

Inês Fressynet avec Loïc de La Mornais 

Publié par Bureau de Londres / Catégories : Non classé