Téléphonez, vous êtes écoutés.... Au Royaume-Uni, il est désormais légal pour le GCHQ (l'un des trois services de renseignement du Royaume-Uni, avec le MI5 et le MI6) de "hacker" les ordinateurs et téléphones portables à l'insu de leur propriétaire et surtout sans mandat judiciaire. L'organisation vient d'obtenir le droit d'activer à distance les microphones et caméras des appareils électroniques privés, même sans l'autorisation d'un magistrat, à l'aide de mystérieux logiciels...aux noms de Schtroumpfs! "Schtroumpf curieux", "Schtroumpf rêveur" ou "Schtroumpf Parano" vont peut être moins vous faire rire...
Il y a un mois tout juste le GCHQ confirmait pour la première fois avoir espionné régulièrement les citoyens britanniques. Le Guardian avait déjà prévenu le grand public en 2013 dans cet article. Pour rappel, les services de renseignement avaient secrètement obtenu l'accès au réseau de câbles transportant les appels et connexions internet, et exploité les données personnelles des usagers en collaboration avec la NSA, son homologue américain. Pendant 18 mois, cette opération appelée Tempora, s'est déroulée dans la plus grande opacité.
Regardez ci-dessous le reportage que nous avions consacré à ce sujet:
Edward Snowden qui avait alerté le Guardian à l'époque, décrivait même le GCHQ comme un espion plus vicieux que les Etats-Unis. Et nous lisions:
"The documents reveal that by last year GCHQ was handling 600m "telephone events" each day, had tapped more than 200 fibre-optic cables and was able to process data from at least 46 of them at a time".
"Les documents révèlent que dès l'an dernier le GCHQ écoutait 600 millions de conversations téléphoniques par jour, exploitait plus de 200 câbles de fibre optique et était capable de manipuler des données à partir de 46 d'entre-eux simultanément".
Depuis plus d'un an, le GCHQ était en procès suite à une plainte de l'association britannique Privacy International. Un tribunal suprême, le Investigatory Powers Tribunal (une sorte de "super CNIL" britannique, seul organisme judiciaire habilité à enquêter sur les services secrets) a finalement jugé que les espions de Sa Majesté pouvaient utiliser leurs outils d'espionnage sur smartphone, à loisir et en toute légalité.
Parmi ces logiciels espions se trouvent: le "Noisey Smurf" (schtroumpf curieux), un virus qui permet d'activer le microphone, "Dreamy Smurf" (schtroumpf rêveur) qui peut l'allumer à distance, "Tracker Smurf" (schtroumpf traqueur) capable de donner sa localisation précise; et "Paranoid Smurf" (schrtroumpf parano) qui permet que tous ces virus demeurent indécelable au propriétaire du téléphone. C'est schtroumpfement inquiétant.
La ligne officielle du gouvernement est, quant à elle, bien claire. Le secrétaire aux affaires étrangères, Philip Hammond, a reçu la nouvelle avec satisfaction et l'a jugé conforme à l'équilibre nécessaire entre sécurité nationale et protection de la vie privée:
“The ability to exploit computer networks plays a crucial part in our ability to protect the British public. Once again, the law and practice around our security and intelligence agencies’ capabilities and procedures have been scrutinised by an independent body and been confirmed to be lawful and proportionate.”
"La capacité à exploiter les réseaux informatiques joue un rôle crucial dans notre capacité à protéger les citoyens britanniques. Une fois de plus, les activités de sécurité et de surveillance de nos agences ont été scrutées par une entité indépendante qui les a reconnu conformes à la loi et équilibrées".
A l'heure actuelle, menace d'attentat oblige, les citoyens semblent de moins en moins choqués par ces incursions dans leur vie privée. Malgré la suspicion de certaines associations comme Amnesty International qui juge cet espionnage abusif et dangereux, il semblerait que la lutte contre le terrorisme est plus importante. Pour preuve, une absence quasi totale de réactions face à cette nouvelle.
Inês Fressynet avec Loïc de La Mornais