En 1915, le Lycée français de Londres ne comptait que 120 élèves, aujourd'hui il en compte plus de 4 000. Il a traversé les années et survécu aux guerres, reçu la présence de personnages illustres et depuis plusieurs années, il est reconnu comme l'un des meilleurs Lycées Français à l'étranger avec 100% d'obtention au bac. A l'occasion de son centenaire, célébré le 22 Mai dernier, retour sur le passé incroyable de cet établissement gorgé d'histoire...
Au début du vingtième siècle.
Tout a commencé en 1910, lorsque une jeune femme française, Marie d' Orliac, crée l'Université des lettres françaises à Marble Arch (Londres). En 1913, elle passe un contrat avec l'université de Lille: l'Université des lettres françaises est rebaptisé l'Institut français du Royaume-Uni.
La Première Guerre Mondiale.
Cependant, tout bascule en 1914, lorsque la guerre éclate en Europe et la Grande Bretagne rejoint le camp des alliés en août 1914. C'est une guerre totale qui touche non seulement les soldats, mais aussi les civils. Ainsi, de nombreux belges et quelques français se réfugient en Angleterre. Marie d'Orliac (devenue Marie Bohn) s'inquiète du sort de ces enfants de réfugiés. C'est donc dans ce contexte de l'organisation de la colonie française, des relations franco-britanniques mais surtout de la Première Guerre mondiale que les lycées français de Londres (un de jeunes filles et un de garçons) voient le jour.
Les lycées français ouvrent le 18 Janvier 1915 au 15 et 17 Buckingham Palace Gardens près de la Gare de Victoria par laquelle arrivent un grand nombre de réfugiés à Londres. A sa rentrée, on compte 120 élèves. L'armistice du 11 Novembre 1918 qui met fin aux institutions de guerre oblige les lycées français à déménager de leurs locaux et après une lutte acharnée pour les maintenir en activité, ils restent fermés pendant un an à l'été 1919 pour des raisons matérielles.
L'entre deux guerres.
En 1920, l'établissement rouvre ses portes et s'installe au 6 et 7 Cromwell Gardens dans le quartier de South Kensington mais la période de croissance ne fait que de commencer et il faut donc chercher un site bien plus grand. De plus, les classes deviennent mixtes dû au déficit budgétaire de l'établissement des garçons, peu fréquenté, qui menaçait de fermer. Les lycées français deviennent Le Lycée de Londres en 1926. Le 20 Septembre 1936, après s'être établis quelques temps au 33 Cromwell Road dans une des anciennes maisons de Madame Bohn, le Lycée déménage sur Queensberry Way, le lieu actuel du lycée français aujourd'hui.
La Seconde Guerre Mondiale.
A la déclaration de la guerre, le 3 Septembre 1939, de nombreux français rentrent en France tandis que Londres devient la capitale de la résistance contre Vichy mené par le Maréchal Pétain. Le Général de Gaulle prononce, à la radio anglaise BBC, l'appel du 18 Juin 1940. Les populations civiles savent qu'elles ne seront pas épargnées comme ce fut le cas lors de la Première Guerre Mondiale et plus récemment lors de la Guerre Civile espagnole (notamment avec Guernica).
Le 7 Septembre 1940, le blitz commence et les avions allemands bombardent Londres et les grandes villes industrielles du pays. South Kensington est également touché et le lycée français est évacué en septembre 1939. Comme de nombreux enfants, les élèves fuient la ville bombardée et sont envoyés à la campagne, à Cambridge, chez des familles. Cependant, les bombes menacent le sud de l'Angleterre et le lycée décide de se réfugier dans le nord du pays. Commence alors le long exode dans le Cumberland, près du Lake District, qui durera 4 ans. Le lycée s'organise peu à peu en 3 maisons différentes et les élèves adoptent avec joie le mode de vie campagnard biens qu'ils soient séparés de leurs parents.
Pendant ce temps, à South Kensington, le lycée se transforme en quartier général des Forces Aériennes Françaises Libres. South Kensington et le lycée deviennent une véritable base militaire : les soldats utilisent les locaux de l'ancienne cantine, la salle du courrier n'est qu'une simple salle de classe, les laboratoires de physique chimie sont utilisés pour des experiences sur les explosifs et le général Martial Valin s'installe au 3eme étage, d'où il dirige les opérations. Les aviateurs, quand à eux, utilisent le lycée pour leurs services administratifs et comme lieux de détente des pensionnaires. Une partie des salles de restauration est devenue "la popote de l'aviation" et parmis ces aviateurs, vetus de leur uniforme bleu marine, on compte des pilotes de chasse, des bombardiers et des futurs écrivains tels que Romain Gary ou Pierre Mendes France.
Ce n'est qu'en septembre 1945 que les élèves rentrent à Londres et prennent brutalement conscience des atrocités de la guerre qui jusque là leur avaient étaient épargnées. Aujourd'hui, dans le hall principal du lycée, se trouve une plaque commémorative d'anciens élèves et professeurs morts pour la France et la Grande Bretagne en tant que résistants, aviateurs, SOE (service secret britannique), cadets de la France Libre ou soldats.
De 1945 à 2015.
Après la guerre, le lycée ne cessera de croître. Il comptait 380 élèves en 1946, 1251 élèves en 1951, puis 2200 élèves en 1973. Le 15 mai 1980, l'établissement est officiellement baptisé Lycée Français Charles de Gaulle. A l'issue de la guerre, le quartier avait été très touché par les bombardements ce qui fut l'oportunité d'étendre le lycée: trois autres écoles primaires ont été créées mais aussi l'école bilingue CFBL et à la rentrée 2015, le lycée Winston Churchill.
Visites de chefs d'Etat.
Les chefs d'Etat ont été nombreux à rendre visite au Lycée Français de Londres. Avant la guerre, le président André Lebrun avait inauguré les locaux de l'institut et du lycée. Le 7 avril 1960, c'est le Général De Gaulle accompagné de son épouse qui se rend dans ce lieu qu'il avait fréquenté de nombreuses fois durant la guerre. Le lycée accueillera également François Mittérrand en octobre 1984 et de Jacques Chirac le 16 mai 1994.
2015, année du centenaire.
En 2015, le lycée français a célébré le centenaire de l'établissement. Les célébrations ont eu lieux le 20, 21 et 22 mai 2015 dernier. Une exposition a eu lieu dans le hall principal, retraçant l'histoire de l'établissement et permettant aux élèves de rencontrer et d'échanger avec les Anciens.
Le 21 mai, la Princesse Anne était présente pour dévoiler une plaque commémorative du centenaire. Une manière pour Son Altesse Royale de rendre hommage à l’une de ses anciennes professeur de français.
A l’occasion du centenaire, l’Association des Anciens publie un ouvrage retraçant l’histoire de l’établissement disponible sur le site du lycée français. Intitulé « Le Lycée Français Charles De Gaulle de Londres 1915-2015 », le livre est un magnifique hommage à cette institution.
Victoire Reboul avec Loïc de La Mornais