Pourquoi David Cameron veut rompre avec la Cour européenne des droits de l'homme?

"Des droits? Oui, nous avons raison" : David Cameron estime avoir raison de plaider pour une sortie de la Convention européenne des droits de l'homme

Le 1er octobre, journée de clôture de la conférence annuelle du Parti conservateur et, entre autres, du lancement officiel de la campagne du Premier Ministre pour les élections législatives de 2015, David Cameron s’en est pris à la Cour européenne des droits de l’homme. Bouc émissaire de choix, l’Europe concentre régulièrement les critiques des conservateurs. L’UE et son trop plein de règles seraient responsables de la perte de la souveraineté britannique...

Le Premier Ministre britannique vient de faire une drôle de promesse : s’il est réélu, il compte abandonner la Convention européenne des droits de l’homme, pour la remplacer par une déclaration des droits britanniques.

« Nous n’avons pas besoin de recevoir d’instructions de juges à Strasbourg, a déclaré le Premier Ministre. Ce n’est pas seulement la question de l’Union européenne qu’il faut régler, c’est celle de la Cour européenne des droits de l’homme ».

Comme souvent lorsqu’il est question de l’Europe, David Cameron souhaite pouvoir faire son marché : il voudrait être en mesure de se détacher des décisions de Strasbourg lorsqu’elles lui semblent contraires aux idéaux britanniques, et cherche ainsi à restaurer la suprématie du parlement en matière de droits de l’homme.

La Convention européenne des droits de l’homme protège le droit à la vie, et à la sécurité, garantit la liberté de pensée et d’expression, ainsi que celle de se marier. A l’inverse, elle interdit toute forme de torture, prohibe la peine de mort et l’esclavage.

Si la Grande-Bretagne est un pays plus libéral que le notre, où la philosophie du « laisser faire, laisser passer » est plus présente, il est toutefois surprenant de voir David Cameron s’attaquer à la Convention européenne des droits de l’homme.

Prison à vie impossible selon la Convention européenne

En réalité, ce n’est pas la convention en elle-même que les conservateurs souhaitent révoquer, mais le Human Rights Act ratifié par le gouvernement Blair en 1998, qui implique que la Convention européenne soit incorporée dans le droit national. En d’autres termes, cette loi impose à tous les tribunaux du Royaume-Uni d’interpréter la loi - autant que possible – en respect avec la jurisprudence énoncée dans la Convention européenne des droits de l'homme.

Une perte de souveraineté vis-à-vis de Strasbourg certes, mais la volonté de désengagement de David Cameron reste énigmatique. Il n’a d’ailleurs n’a pas encore éclairci les points sur lesquels il souhaite revenir.

Il est facile d’en deviner certains : on sait par exemple que les Britanniques sont contre l’accès au droit de vote des détenus, un droit conféré par l’article 3 de la Convention européenne (droit à des élections libres), et qu'ils voudraient pouvoir emprisonner leurs meurtriers les plus violents à vie.

Si Strasbourg refuse de plier devant les exigences de Londres, David Cameron a d’ores et déjà annoncé que son pays quitterait la Cour européenne des droits de l’homme, quand bien même le Royaume-Uni avait été l’un des premiers à en ratifier la convention.

Un référendum promis en 2017

David Cameron, qui ne cache plus son « dédain pour les bureaucrates non élus de Strasbourg » pourrait bien cette fois-ci mettre ses menaces à exécution.

Car l’heure est à la mobilisation des électeurs. Le Parti pour l'Indépendance du Royaume-Uni (UKIP) attire de plus en plus de Britanniques, séduits par le discours nettement anti-européen de son leader Nigel Farage. Récemment, deux députés conservateurs sont même venus grossir les rangs du parti, au grand dam du Premier Ministre.

David Cameron déploie les grands moyens pour reconquérir son électorat et propose, s'il est réélu, de laisser les Britanniques décider une bonne fois pour toute de leur sort: un référendum pour ou contre une sortie de l'Union européenne pourrait être mis en place dès 2017. 41 ans après l'adhésion du Royaume-Uni à l'UE, l’euroscepticisme est toujours une formule gagnante outre-Manche.

Elise Dherbomez avec Loïc de la Mornais