Le rejet massif (82 voix contre, 29 pour, 1 abstention de la candidate française a provoqué un effet de souffle à l’Elysée. La veille du scrutin, après lecture des réponses écrites rédigées par Sylvie Goulard et son équipe, l’ambiance au château modérément optimiste, était plutôt à « ce sera ric rac, mais elle va passer ».
Coup de cymbale, jeudi 10 octobre à 14H30. Puis très vite, les éléments de langage se mettent en place : vengeance ourdie par un candidat allemand frustré, Manfred Weber, qui avait été écarté par Paris dans ses rêves de devenir patron de la Commission européenne. Des manœuvres de basse politique renchérit ce matin Nathalie Loiseau, qui évoquent « ces anciens confortablement installés qui trouvent que le nouveau monde ne leur convient pas ». De son côté, la secrétaire d’état aux affaires européennes Amélie de Montchalin parle d’une « crise institutionnelle majeure en Europe ». Propos grandiloquents, qui masquent en fait une frustration : celle de n’avoir rien vu venir.
Pour l’observateur à Bruxelles, cet épisode s’inscrit dans une série de rendez-vous manqués entre la France et le Parlement européen. Contrairement à Berlin, Paris n’a jamais vraiment misé sur cette institution, n’en a jamais vraiment compris les codes, par exemple la nécessité d’investir des candidats sur le long terme, de nouer des réseaux solides. Le renouvellement du contingent français à hauteur de 70% (apport salutaire de forces vives, mais inexpérimentées) n’a pas favorisé la prise de conscience : l’éthique est devenue une valeur centrale dans la vie européenne et le Parlement européen souhaite désormais exercer son droit de contrôle, voire prendre le pouvoir.
Au sein du groupe Renaissance, les voix qui auraient pu crier « attention danger » se sont tues ou n’ont pas été entendues à l’Elysée. Verticalité du pouvoir sous la Vème République. Dès lors, la surprise feinte et un peu surjouée du Président de la République est surprenante. Séquence réussie avec Angela Merkel, lors du dernier Conseil européen avec la designation d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission, mais amateurisme dans le feuilleton Sylvie Goulard. Désormais, le Parlement européen, ne se couche plus face aux pressions et à la volonté des chefs d’Etat. Il n'est plus une simple chambre d’enregistrement. Certes, les jeux politiciens n’ont pas desertés les couloirs de l’Assemblée, les deux grands groupes dominants (PPE et S&D) qui se tenaient par la barbichette cherchent à défendre leur pré carré, mais cette lecture n’explique pas complètement l’explosion en vol de Sylvie Goulard.
La responsabilité là aussi est celle du maître des horloges, lecteur de René Char : « Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque. A te regarder, ils s'habitueront ». Le pari d’Emmanuel Macron était un risque calculé. La chance, parfois insolente, du leader européen a filé. A le regarder, les Européens s’habituent désormais à ses foucades très françaises.
Voici à présent le compte rendu de l’oral de rattrapage de Sylvie Goulard.