Mercredi 20 décembre, la Commission européenne a déclenché l’article 7 du traité de l’UE, estimant qu’« il y a un risque clair d’une violation grave de l’État de droit en Pologne ». Une procédure encore jamais utilisée, qui peut aller jusqu’à priver le pays de ses droit de vote dans l’UE.
Après des mois de mises en garde, la Commission européenne a ouvert, mercredi 20 décembre, une procédure inédite contre le gouvernement polonais, resté sourd aux demandes de freiner ses réformes judiciaires controversées. «C’est avec le cœur lourd que nous avons activé » l’article 7, a déclaré le vice-président de la Commission Frans Timmermans. «Mais les faits ne nous donnent pas le choix, nous n’avons pas d’autre option», a-t-il ajouté, soulignant que « la Commission ne conteste pas le droit de la Pologne à réformer son système judiciaire, mais elle doit le faire dans le respect de sa propre Constitution et du droit européen ».
Selon la Commission européenne, treize actes législatifs adoptés en deux ans, portent atteinte à l’indépendance de la justice. Parmi eux, la réforme de la justice constitutionnelle en 2016, ou celle plus récente de l’organisation des juridictions de droit commun. Le gouvernement polonais, contrôlé par le parti PiS nationaliste conservateur, a également fait voter début de décembre, la refonte du Conseil national de la magistrature, chargé de la nomination et de la déontologie des juges, et de la Cour suprême.
Engagés il y a plus d’un an, les échanges tendus entre Bruxelles et Varsovie n’ont produit aucun résultat, la Pologne défendant sa liberté de réformer une magistrature décrite comme une « caste » corrompue. Malgré la procédure de sanction lancée par l’UE, le gouvernement polonais entend mener sa réforme du système judiciaire jusqu’au bout. Le président polonais Andrzej Duda a annoncé qu’il avait « pris la décision » de promulguer deux lois controversées de réformes judiciaires.
Des sanctions peu probables
L’article 7 est parfois qualifié d’« arme nucléaire » parmi les sanctions possibles dans l’UE. Elle peut en effet déboucher, au terme d’une procédure complexe, sur une suspension des droits de vote au sein du Conseil de l’Union. Cette procédure avait été élaborée après les tensions entre l’UE et l’Autriche, en 2000, lorsque l’extrême droite était arrivée au pouvoir à Vienne. Dans sa première phase, celle lancée mercredi par la Commission, l’article 7 permet de « constater l’existence d’un risque clair de violation grave » de l’Etat de droit dans un pays membre, avec l’aval nécessaire d’une majorité qualifiée de 22 pays de l’Union.
Les sanctions interviennent dans une seconde phase, qui requiert un vote à l’unanimité des 27 Etats-membres, sans celui qui est visé. Mais elles demeurent peu probables, la Hongrie ayant a déjà indiqué qu’elle ne voterait pas la privation des droits de vote de la Pologne.
Consciente que cette sanction reste une menace théorique, Bruxelles envisage déjà de nouveaux outils. L’idée circule notamment de conditionner l’accès aux fonds structurels européens au respect des valeurs et des décisions de l’UE.